Marque historique de l’activisme néofasciste, le mouvement, en sommeil depuis 2017, a été relancé en novembre. De premiers tracts appellent à la violence contre la «vérole gauchiste».
En sommeil depuis 2017, le GUD, tristement célèbre pour sa violence et son néofascisme décomplexé, est de retour. C’est à ce stade via une unique section locale, à Paris, lancée début novembre mais, selon nos informations, ce renouveau fait grand bruit chez les militants d’extrême droite – activistes fascisants ou du parti zemmouriste Reconquête – qui fantasment toujours les faits d’armes du groupe. Et si on attendait plutôt les gudards collectionner les bagarres, pour le moment ils dessinent des tags belliqueux dans le Quartier latin et… tractent. Ces feuillets, dont Libé s’est procuré un exemplaire, promettent toutefois bien un retour violent.
«Reprenons nos universités, expulsons les gauchistes», annonce le recto du tract frappé du nouveau logo du groupuscule qui reprend l’iconique rat noir des origines. Selon l’historien spécialiste du sujet Nicolas Lebourg, le slogan est le même que celui du premier prospectus distribué par Unité radicale, groupuscule dissous après la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par Maxime Brunerie en 2002. Le ton est donné. Le verso, arborant la croix celtique des néofascistes français, n’est pas en reste. L’ennemi désigné, cette «vérole gauchiste», ces «excités marxistes» et autres «crétins abreuvés de théories wokistes, islamistes, LGBT, immigrationnistes et féministes», dessine en creux les obsessions de ces nationalistes. Outre les syndicats Unef et SUD, les «enseignants collabos» en prennent aussi pour leur grade. Le GUD en appelle à faire front «par tous les moyens» – «même légaux», aurait ajouté Maurras.
Le groupe a aussi lancé un Cercle Oswald Spengler, auteur phare de la Révolution conservatrice allemande. Ce petit club propose de la littérature typiquement gudarde et glorifie les milices racistes armées. Une réactivation de plus : au début des années 70, alors dirigé par Philippe Péninque, le GUD d’Assas avait fondé cette structure «afin de renforcer le niveau de formation politique» de ses troupes, rappelle le livre les Rats maudits, qui narre la légende du GUD par les gudards sous la direction notamment de Frédéric Chatillon, vieil ami de Marine Le Pen et prestataire du Rassemblement national. Signe des temps, ce «cercle» a désormais un compte sur Instagram et sa dernière photo de propagande montre des militants pratiquant des sports de combat…
Gros bras néonazis
Ce programme séduit de larges pans des activistes d’extrême droite radicale. Les nouveaux gudards se sont affichés faisant le show, fumigènes en main, dans le dernier rassemblement anti-GPA de la Marche pour la vie, fin novembre. Alors que les effectifs du groupe restent flous à ce stade, leurs comptes sur les réseaux sociaux dessinent les contours de leur auditoire. Anciens membres de Génération identitaire, jeunes de l’Action française, sympathisantes des «féministes identitaires» de Némésis, militants de Reconquête ou de Génération Z – le mouvement de jeunesse zemmourien –, pullulent dans les «likes» sous les publications des nouveaux rats noirs. Les doubles, voire triples, appartenances n’étant pas rares. Sans oublier les héritiers du Bastion social dissous en 2019 pour sa violence.
Et, bien sûr, les Zouaves Paris, déjà ersatz du GUD, interdits en janvier. Selon nos informations, ses membres semblent tenir bonne place dans ce nouveau groupe. A l’image de Marc de Cacqueray-Valménier, gosse de la vieille aristocratie devenu cogneur mi-hooligan mi-néonazi. A coups de poing, le jeune homme de 24 ans s’est hissé au rang de leader des Zouaves. Il était en première ligne quand le groupe jouait les émeutiers dans les manifestations de gilets jaunes entre 2018 et 2019. C’est lui qui envoyait un SMS félicitant les troupes après l’attaque, en plein jour, du bar antifasciste parisien le Saint-Sauveur en 2020. La même année, il s’affichait kalashnikov en main et badge «totenkopf» nazi sur le torse au Haut-Karabakh. C’est lui enfin qui est identifié par Mediapart dans les cogneurs qui passent à tabac des militants de SOS Racisme au meeting de Villepinte de Zemmour, en décembre 2021. Lui encore qui est reconnu par Libé à la tête d’un cortège d’extrême droite dans une manif anti-pass sanitaire en janvier 2022. Cette dernière violation d’un contrôle judiciaire qui s’est resserré au fil de ses méfaits lui a valu un passage en détention provisoire, dont il est sorti avant l’été.
Pas vacciné par ce séjour derrière les barreaux, Cacqueray-Valménier posait récemment devant un graffiti du GUD Paris réalisé «avec [ses] camarades de la Cagoule», un collectif de graffeurs reprenant le nom du groupe terroriste d’extrême droite actif dans les années 30. Si le visage de Marc de Cacqueray-Valménier est dissimulé, Libé a pu l’identifier grâce aux tatouages caractéristiques dont ses jambes sont bardées, dont un symbole nazi. Il n’a pas répondu à nos sollicitations.
«Jihad chrétien»
Son CV colle avec l’ADN du GUD. Au départ fondamentalement anti-communiste avant de prendre un virage néofasciste, le groupe présentait des listes aux élections étudiantes, mais l’essentiel de son activisme consistait dans l’action violente. Son antisémitisme a pu le mener à défendre la cause palestinienne au nom de l’antisionisme. A partir des années 90, rappelle Nicolas Lebourg, le rat noir adopte le keffieh des fedayin et prend notamment pour slogan «A Paris comme à Gaza, intifada». Le nouveau GUD Paris semble à son tour adhérer au mythe d’une France «occupée» du fait du grand remplacement, théorie raciste et complotiste voulant que le peuple français «de souche» soit au bord de la submersion démographique.
Hasard ou coïncidence, le GUD Paris apparaît également lié à un compte Instagram nommé White sharia. Ces fondus de la race, fondamentalistes chrétiens et réactionnaires sont décriés jusque dans les rangs de l’extrême droite pour leur vision rétrograde de la place de la femme dans la société notamment. Ils appellent au «jihad chrétien», glorifient la famille traditionnelle et les armes. Leur nouveau signe de reconnaissance : lever l’index comme peuvent le faire les djihadistes. Sur plusieurs photos de propagande, des militants du GUD Paris font le même geste.
par Maxime Macé et Pierre Plottu