Ann-Gaëlle Attias a reçu l’ordination rabbinique à l’Université de Potsdam (Allemagne). À 48 ans, elle devient la sixième femme rabbin exerçant en France, à la tête de la principale synagogue libérale de Toulouse.
Dimanche 23 octobre, le Zacharias Frankel College organisait à l’Université de Potsdam (Allemagne) une « semikha », cérémonie lors de laquelle un rabbin transmet son autorité à un autre rabbin. Un autre, ou une autre : parmi les trois élèves ordonnés figurait une femme, la Française Ann-Gaëlle Attias.
À 48 ans, elle devient la sixième rabbin exerçant en France, ajoutant son nom à une liste comprenant déjà ceux de Pauline Bebe, Delphine Horvilleur, Floriane Chinsky, Daniela Touati et Iris Ferreira. À partir du 1er novembre, cette femme aussi enjouée que déterminée prendra officiellement ses fonctions de rabbin de l’Association des juifs libéraux de Toulouse (AJLT, associée à Judaïsme en mouvement), où elle officiait déjà comme stagiaire rabbinique ces dernières années.
« Frustration totale »
Rien ne la destinait particulièrement à enseigner et célébrer dans la plus grande synagogue libérale de la Ville rose. Née dans une famille séfarade originaire du Maroc, Ann-Gaëlle Attias a plutôt été élevée dans les milieux traditionalistes et orthodoxes organisés autour du Consistoire. Elle a grandi dans l’enseignement juif sous contrat, et ne garde pas de ses années d’apprentissage dans les réseaux consistoriaux une image de grande liberté pour les femmes. « À l’époque, on ne m’a jamais fait ouvrir une page de Talmud, ce n’était pas souhaitable pour une fille », explique-t-elle à La Croix, évoquant sa « frustration totale ».
La suite s’écrit d’abord à distance des synagogues. Après des études d’arts plastiques, elle embrasse une carrière de journaliste, brièvement au quotidien communiste L’Humanité, et surtout pendant une vingtaine d’années à la télévision, sur France 3, travaillant en région, à la rubrique justice et faits divers puis au service politique, où elle est chargée du suivi de l’extrême droite.
« Être une femme active dans son judaïsme »
Un regain d’intérêt personnel pour le judaïsme l’amène à rencontrer la pionnière libérale Pauline Bebe. « Personne ne m’avait expliqué que les juifs libéraux et les femmes rabbins existaient, relève Ann-Gaëlle Attias. J’ai trouvé dans sa communauté ce que je cherchais : la possibilité d’être une femme active dans son judaïsme, qui ne reste pas derrière le rideau. »
Elle aussi, bientôt, se sent attirée par le rabbinat. Après un an de formation préparatoire aux côtés de Pauline Bebe et de son collègue Tom Cohen à Paris, elle rejoint le Leo Baeck College, école rabbinique libérale à Londres. « Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas mon judaïsme : pour moi, ça allait trop loin dans le libéralisme », raconte-t-elle. D’où sa décision de finir sa formation de rabbin à Potsdam, au Zacharias Frankel College, le séminaire européen du courant massorti, cette branche du judaïsme réformé soucieuse de préserver une partie de la tradition liée à la halakha, la loi juive.
Avec son approche « massorti de gauche, libérale de droite », comme elle s’amuse à la décrire, elle se sent très à l’aise dans sa synagogue toulousaine, où « le culte n’est pas sexualisé et on ne fait aucune différence entre un fidèle homme et femme ». À l’image de tous les hommes et de certaines femmes rabbins, le « rav » Attias porte d’ailleurs la kippa. Tout un symbole.
Benoît Fauchet