Le gaz, outil de la diplomatie israélienne

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Israël, qui a amorcé un rapprochement avec ses voisins arabes par le biais de ses exportations, promet aussi de fournir aux Européens l’équivalent de 10 % des livraisons assurées par la Russie avant la guerre.

L’accord gazier amorcé, mardi 11 octobre, avec le Liban, promet de renforcer la sécurité énergétique d’Israël, modeste producteur, qui a commencé à exploiter ses gisements en 2004. Ces ressources contribuent largement à sa production d’électricité, et à faire tourner ses usines de dessalinisation de l’eau, gourmandes en énergie. Mais l’accord aiguise aussi ses ambitions exportatrices.

Israël promet de livrer du gaz à l’Europe, alors que la guerre en Ukraine fait grimper les prix mondiaux. De ce point de vue, le texte de l’accord conclu avec le Liban sur les frontières maritimes a pour principal mérite de reconnaître la pleine souveraineté israélienne sur le champ de Karish, petite réserve estimée à 1,75 trillion de mètres cubes. Son exploitation pourrait commencer sous quelques semaines.

« Stratégiquement, cet accord est une erreur : il récompense le Hezbollah, qui pourra considérer à l’avenir qu’Israël peut plier face à ses menaces de guerre », condamne Yaakov Amidror, qui dirigea le conseil national de sécurité durant de précédentes négociations sur la frontière maritime avec le Liban, au début des années 2010, et qui juge le tracé fixé mardi trop favorable à Beyrouth. « Mais c’est un bon accord en termes économiques, reconnaît-il, comme pour nos relations avec les Etats-Unis », médiateur dans les discussions entre les deux pays.

Contribuer aux efforts occidentaux

En septembre, à Berlin, le premier ministre Yaïr Lapid l’avait promis : « Nous ferons partie des efforts pour remplacer le gaz russe en Europe. » Alors qu’Israël refuse d’apporter un soutien militaire à l’Ukraine, M. Lapid entend contribuer aux efforts occidentaux, en fournissant à terme à l’Europe 10 % de ce que Moscou lui livrait avant guerre, soit 15,5 milliards de mètres cubes. Ce compte paraît très ambitieux.

Israël dispose de 0,3 % des réserves mondiales et produit à peine quelque 20 milliards de mètres cubes par an. Il en exporte une dizaine, depuis le vaste champ de Léviathan. Le plus ancien champ de Tamar, quant à lui, fournit pour l’essentiel sa consommation intérieure.

Ces exportations sont avant tout régionales. Israël use de son gaz pour affermir ses liens avec deux Etats arabes, l’Egypte et la Jordanie, avec lesquels il a signé des traités de paix en 1979 et 1994. En 2020, Israël leur a ouvert les vannes de Léviathan. Cet accord a suscité de vives critiques en Jordanie, dont 80 % de l’électricité est produite par du gaz israélien. Quant à l’Egypte, elle a signé en juin une lettre d’intention avec Israël et l’Union européenne, afin de liquéfier du gaz sur son territoire et l’acheminer par bateau vers l’Europe. Encore une fois, ces capacités sont limitées.

Depuis 2019, la participation de ces deux pays arabes au Forum du gaz de la Méditerranée orientale, aux côtés d’Israël comme de l’Autorité palestinienne, a affermi cette logique de rapprochement. Enfin, en normalisant ses relations avec les Emirats arabes unis depuis 2020, Israël a encore joué la carte du gaz. En septembre 2021, une firme nationale a vendu sa part du champ de Tamar (22 %) à un fonds souverain émirati, Mubadala.

Source lemonde