Depuis l’annonce le 21 septembre de la mobilisation « partielle » de 300 000 réservistes pour aller se battre en Ukraine, plus de 6 500 de ces appelés ont déjà préféré s’envoler pour Israël. Un afflux qui devrait se poursuivre au même rythme durant les six prochains mois. Explications.
Depuis quelques jours, des objecteurs qui refusent de devenir de la chair à canon sur les champs de bataille ukrainiens, débarquent à l’aéroport Ben Gurion près de Tel Aviv. Les plus chanceux d’entre eux arrivent directement de Moscou à bord d’avions d’El Al, la compagnie aérienne nationale israélienne. Mais la demande est telle que les vols sont « surbookés ». Conséquence : les très rares billets disponibles s’arrachent à deux voire trois fois le prix normal.
Marché noir pour fuir
Un marché noir a même fait son apparition avec des tarifs pouvant dépasser les 6 000 euros pour un simple aller Moscou-Tel Aviv. Pour tenter de faire face, les responsables d’El Al, une des rares compagnies occidentales à poursuivre ses activités malgré les sanctions internationales, ont demandé aux autorités russes l’autorisation d’augmenter le nombre de ses vols ou d’utiliser des avions ayant des capacités de transport plus importantes. Pour le moment, aucune réponse n’a été fournie du côté du Kremlin.
D’autres immigrants volent aussi en direction d’Israël mais via une escale en Turquie, ou en Géorgie notamment. Dans ce cas aussi les places se payent à prix d’or. Aussi, histoire de multiplier les portes de sortie, l’Agence Juive a ouvert des bureaux en Finlande et en Azerbaïdjan près des frontières russes afin d’aider les candidats juifs à l’immigration. Le gouvernement a pour sa part débloqué une aide supplémentaire d’urgence de 25 millions d’euros destinée à couvrir les frais de logement, de nourriture, de soins médicaux pour les nouveaux arrivants.
Des subsides qui risquent toutefois d’être rapidement épuisés. Ceux qui fuient l’enrôlement vont ainsi s’ajouter aux 25 000 Russes ayant immigré depuis le début de la guerre en Ukraine à la fin février, soit trois fois et demie de plus que pendant l’ensemble de l’année 2021. À ce chiffre, il faut ajouter 35 000 citoyens russes arrivés en Israël avec un statut de touriste. Une bonne partie d’entre eux ont engagé ou, sont sur le point d’entamer, une procédure de naturalisation auprès du ministère de l’Intérieur. Ce qui prend plusieurs mois en raison de l’afflux des demandes. D’autres préfèrent attendre et voir venir avant de demander une naturalisation.
L’immigration russe : un atout majeur pour Israël
Une chose est sûre en revanche : un important réservoir de population existe. Selon les estimations officielles, quelque 600 000 Russes sont éligibles à la Loi du retour, qui permet à toute personne ayant au moins un grand-parent juif de s’installer en Israël et d’y acquérir la nationalité. D’ores et déjà, les russophones constituent 15 % de la population, soit la minorité la plus importante parmi les juifs. Avigdor Lieberman, le ministre des Finances, lui-même originaire de l’ex-URSS et chef d’Israël Beitenou, un parti soutenu essentiellement par des électeurs russophones, souhaite renforcer encore cette communauté. Il a même proposé que la « Loi du Retour » soit étendue, au moins à titre « provisoire », à ceux qui n’ont qu’un arrière-grand-parent juif dans leur arbre généalogique. « L’immigration constitue un atout stratégique pour l’État d’Israël, ainsi qu’un levier pour assurer une croissance économique massive, c’est pourquoi nous nous engageons à l’encourager et à y investir », a expliqué Avigdor Lieberman.
L’arrivée de milliers d’hommes plutôt jeunes, membres pour la plupart des classes moyennes ayant bénéficié d’une bonne éducation et d’un niveau élevé de formation professionnelle constitue effectivement une chance pour l’économie israélienne, qui a déjà bénéficié dans le passé d’une telle impulsion lorsque les portes de l’Union Soviétique se sont grandes ouvertes à l’immigration des juifs à la fin des années quatre-vingt.