L’ancienne ministre des Affaires étrangères et de la Justice d’Israël sort parfois de sa réserve pour faire avancer son combat. Propos recueillis à Tel-Aviv par Danièle Kriegel.
ans sa villa de Tel-Aviv, Tzipi Livni a pris ses distances avec la scène politique israélienne, où, durant vingt ans, elle a joué un rôle prépondérant. Elle fut plusieurs fois ministre, notamment aux Affaires étrangères et à la Justice. Son parcours idéologique l’a menée de la droite dure au centre gauche. Malgré les difficultés, elle reste persuadée que l’avenir d’Israël passe par la paix avec les Palestiniens.
Le Point : Pourquoi avez-vous choisi de ne désespérer de rien ?
Tzipi Livni : Dans ma vie politique, j’ai toujours regardé en avant. J’étais concentrée sur ma tâche, ma mission. Je savais que je devais continuer, quels que soient les obstacles ou les difficultés. Jusqu’au moment où j’ai pris la décision de prendre mes distances avec la scène politique. Pas par désespoir, pas par découragement. Tout simplement parce qu’il m’a semblé que mon combat politique n’était plus une priorité en Israël, aussi bien chez les décideurs politiques qu’au sein du public. Mes convictions, elles, restent les mêmes.
Au-delà de cette décision, lorsque vous exerciez des responsabilités gouvernementales, y a-t-il eu un ou des moments où vous étiez sur le point d’être désespérée ?
Désespérée, non ! Mais envahie par un sentiment très lourd de ratage, oui. Cela ne m’est pas arrivé souvent. Mais il y a un épisode qui m’a touchée lors des négociations avec les Palestiniens en 2013-2014. Nous étions parvenus à un accord avec les Américains. Et le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, avait donné son consentement, sous certaines réserves, afin de négocier sur la base de cet accord. Mais les Palestiniens n’ont pas donné de réponse. Et tout s’est arrêté. Nous avons alors organisé une rencontre tripartite : Israël, Autorité autonome et États-Unis, l’objectif étant de comprendre le pourquoi de cet échec. Alors que nous étions autour de la table, notre frustration était telle que mon assistant m’a fait passer une feuille sur laquelle était écrit un seul mot : tragédie ! Alors, oui, ce fut un des moments les plus difficiles de ma carrière politique. Je me suis retrouvée face à un trou béant, celui qui s’ouvre lorsqu’il ne reste rien de l’espoir qui vous a porté.
Avez-vous eu le sentiment que vous aviez failli ?
Pas du tout. Je savais que j’avais tout donné. Non, la véritable difficulté pour moi, à ce moment-là, tenait dans le fait que toutes mes aspirations, tout ce que je désirais pour mon pays, n’avaient pu se réaliser. J’étais convaincue alors – et je le suis toujours – de la nécessité pour l’État d’Israël de parvenir à un accord avec les Palestiniens.
Depuis plus de trois ans, vous êtes en marge de la vie politique…
Si j’ai pris mes distances avec la scène politique, c’est que j’ai eu le sentiment que mon combat pour la paix et pour la démocratie israélienne n’était plus à l’ordre du jour dans le pays. Pour l’heure, sans pour autant penser à un quelconque retour aux responsabilités, je sors, de temps en temps, de ma réserve. Avec chaque fois le même objectif : faire entendre ma voix sur des sujets auxquels je crois et qui sont absents du débat public. Je me suis attelée à l’écriture d’un essai pour expliquer aux Israéliens pourquoi nous devons nous séparer des Palestiniens et trouver les moyens de vivre côte à côte, dans deux États différents.
Actuellement, l’horizon est bouché pour ceux qui partagent ces convictions, aussi bien en Israël qu’en Palestine. Mais même si la voie à laquelle je crois est totalement bloquée, je me dois de trouver une autre option et les moyens de la voir se réaliser ; toujours, bien entendu, dans la perspective de ce que je crois juste. Ce combat pour la paix, il y va de ma responsabilité envers la génération de mes fils et de tous les enfants d’Israël.