Israël fête les deux ans de la signature des Accords d’Abraham qui, à défaut d’avoir fait tâche d’huile, ont contribué à détendre les relations avec d’autres pays arabes, notamment l’Arabie saoudite. Même la question des relations de l’Etat hébreu avec le Liban est moins taboue.
Un deuxième anniversaire, cela se fête. Le président israélien Isaac Herzog a accueilli cette semaine le ministre émirati des Affaires étrangères, Abdullah bin Zayed Al Nahyan, pour se réjouir ensemble de la signature « historique » des Accords d’Abraham à Washington, le 15 septembre 2020. Depuis, les liens commerciaux, industriels, militaires, universitaires, culturels n’ont cessé de se développer entre l’Etat hébreu et ses nouveaux amis – Emirats arabes unis , Bahreïn et Maroc, le Soudan n’étant en mesure de développer aucune de ces relations pour le moment.
En fait, le royaume chérifien ne se définit pas comme un nouvel ami, « il considère qu’il renoue des relations, qui existaient de longue date », souligne Emmanuel Navon*, expert en relations internationales à l’université de Tel Aviv.
Volet sécuritaire
« La culture juive fait partie de l’héritage marocain, comme cela est mentionné dans leur constitution. Et les juifs marocains, fussent-ils israéliens, restent légalement des sujets du roi Mohammed VI. » Une dimension historique, culturelle et affective, absente pour les Emirats et le Bahreïn.
Autre spécificité du Maroc, le volet sécuritaire est très officiellement développé sur le plan opérationnel et commercial. Ainsi cet été, des militaires israéliens participaient comme observateurs à l’exercice militaire African Lion 2022 réunissant le Maroc et plusieurs pays africains. Par ailleurs, le Maroc a signé un contrat d’achat de drones Harop à IAI (Israel Aerospace Industries).
Pas de défense commune
Autre particularité de la coopération avec le Maroc, des négociations sont en cours pour accueillir une main-d’œuvre marocaine à partir de 2023 – des ouvriers du bâtiment, des infirmiers mais aussi des ingénieurs. « Au-delà de la relation bilatérale florissante, le Maroc se positionne comme la porte d’entrée vers le continent africain, notamment via le port de Tanger, remarque Dan Catarivas, responsable des relations extérieures de l’Association des industriels israéliens. De leur côté, les Emirats constituent un hub logistique vers l’Asie. Cela repositionne Israël dans le commerce mondial ; désormais le pays fait partie intégrante de la région. »
Pas question pour autant de créer une sorte d’OTAN régional, comme certains l’ont évoqué lors de la visite de Joe Biden au Proche-Orient , en juillet dernier. « Israël est le dernier pays de la région à être intéressé par l’idée d’une défense commune », remarque Meir Masri, maître de conférences en sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem. En revanche, « les Accords d’Abraham ont entraîné un processus positif. Ils ont rafraîchi les relations avec la Jordanie et surtout l’Egypte », deux pays qui avaient signé un traité de paix avec Israël depuis longtemps, mais qui avaient des relations distantes avec l’Etat hébreu.
Moins de tabous avec le Liban
« Ils ont aussi fait évoluer la relation avec l’Arabie saoudite, qui désormais, sans avoir de liens diplomatiques officiels avec Israël, accepte que des vols commerciaux israéliens utilisent son espace aérien ou bien donne la parole à des experts israéliens sur ses chaînes de télévision. » Ce cercle vertueux s’étendra-t-il au Liban, qui discute de nouveau de ses frontières maritimes avec Israël par émissaire américain interposé ? « En tout cas, grâce à la dynamique créée par les Accords d’Abraham, la question des relations entre le Liban et Israël est beaucoup moins taboue qu’auparavant au Liban. »
*L’étoile et le spectre – Histoire diplomatique d’Israël (Ed. Hermann)
Catherine Dupeyron
Source lesechos