Israël adopte la marijuana cachère

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De la marijuana « cachère » : ce rêve va devenir réalité pour des juifs religieux. Une exploitation située au nord de Tel Aviv a commencé à faire pousser la première « herbe » respectueuse des règles religieuses tirées de la Bible. Cette innovation ne porte toutefois que sur la marijuana médicale utilisée légalement par de très nombreux israéliens.

La révolution « verte » est en marche à Givat Hen. Cette petite localité située au nord de Tel Aviv fait pousser la première « herbe » respectueuse des règles religieuses tirées de la Bible. Détail important : l’estampille « cacher » n’est nécessaire que pour l’huile tirée des plants dans la mesure où elle est ingérée et donc pouvant être considérée comme un aliment. L’herbe utilisée sous forme de joints n’est pas concernée, car où elle s‘envole en fumée. L’enjeu est d’importance : quelque 120 000 Israéliens, un record mondial par rapport au nombre d’habitants, disposent d’une autorisation de consommer de la marijuana médicale délivrée par des médecins, vendue en pharmacie et sous la supervision d’un bureau spécialisé du ministère de la Santé.

Le cannabis médical, nouvelle manne pour Israël

Cette « beuh » est utilisée pour une large gamme d’affections physiques et mentales tels : le stress post-traumatique, le traitement de toute sorte de douleurs chronique liées par exemple à la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, les troubles intestinaux, les cancers, les soins palliatifs… Son utilisation est devenue un véritable phénomène de société. Un patient « moyen » consomme selon les chiffres officiels plus de 420 grammes par an. Mais pour les juifs religieux se posait la question de savoir dans quelles conditions la consommation d’huile peut être autorisée.

La « Shmita » respectée

Une solution a été trouvée. La plantation à Givat Hen va ainsi respecter la « Shmita » une règle religieuse qui stipule que les champs cultivés qui s’étendent dans les limites de la « Terre d’Israël » évoquées dans la Bible ont droit à une année sabbatique, autrement dit ils doivent être laissés en jachère tous les 7 ans. De plus, les cultivateurs ont l’obligation de s’abstenir de travailler durant le Shabbat, du vendredi au samedi soir ou pendant les fêtes juives. Ce n’est qu’à ces conditions que le chanvre peut être considéré comme « cacher ».

Pour ce qui la marijuana à fumer à des « fins purement récréatives », la loi israélienne a adopté une approche de plus en plus libérale. Depuis 2019, son usage a été en grande partie décriminalisé pour les plus de 18 ans, à condition d’être utilisée en privé et de ne pas être un soldat. Seule la consommation publique est passible d’amendes, qui augmentent en cas de récidives. Mais il suffit de se promener et de humer les effluves émanant des boulevards des quartiers branchés de Tel Aviv pour constater que ces restrictions sont appliquées de manière pour la moins laxiste. Selon une récente étude, près de 30 % des Israéliens de 18 à 65 ans ont tâté du joint durant l’année écoulée, un des pourcentages les plus élevés au monde.

D’anciens premiers ministres aux manettes

Pour sa part, la marijuana médicale a acquis d’incontestables lettres de noblesse. Petit rappel historique : ce sont deux chercheurs israéliensle professeur Raphael Mechoulam et Yechiel Gaoni de l’institut Weizmannde Rehovot, qui ont découvert en 1964 le THC, la molécule qui fait planer. Ces dernières années, le secteur lié aux usages médicaux a connu une véritable envolée avec une centaine de start-up actives, qui ont levé 350 millions de dollars en six ans pour financer la production, ainsi que les dépenses en recherches et développement. Les investisseurs misent dans un premier temps sur un marché intérieur en plein boom, mais aussi à terme sur l’exportation censée rapporter gros à l’avenir.

Signe des temps : le secteur est devenu une sorte de « must » au point que d’anciennes « célébrités » n’hésitent plus à y associer leur nom. Quelques exemples : Ehoud Barak et Ehoud Olmert, deux anciens Premiers ministres, sont devenus respectivement directeur et consultant de deux entreprises spécialisées dans le cannabis médical. Ils sont loin d’être les seuls : Tzipi Livni , ancienne ministre des Affaires étrangères et, plus surprenant encore, Yohanan Danino, un chef de la police à la retraite ainsi que Yaakov Peri, qui a officié comme patron du Shin Beth, le service de sécurité intérieure, ont eux aussi choisi de se lancer dans l’aventure.

Par Israël Julien Lacorie

Source marianne