Michel Hazanavicius présente son film d’animation sur la Shoah

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Le réalisateur d’«OSS 117» et de «Coupez !» a fait le point sur «La plus précieuse des marchandises», projet sur lequel il travaille depuis plus de trois ans, et qui évoque les camps de concentration nazis en Pologne durant la Seconde Guerre mondiale.

La file d’attente, gigantesque, et composée majoritairement d’étudiants en animation, s’était formée devant la salle Pierre-Lamy dès 8h30, ce vendredi 17 juin au Festival d’animation d’Annecy (Haute-Savoie). Ils voulaient tous assister à la présentation, une heure plus tard, de « La plus précieuse des marchandises » par Michel Hazanavicius dans le cadre d’un WIP (Work in Progress), ces rendez-vous très prisés sur place chaque année qui dévoilent les premières images de films en cours de fabrication. Et celui-ci en a mis plein les yeux aux festivaliers qui ont pu y participer.

Le réalisateur de « OSS 117 » et du récent « Coupez ! » travaille depuis trois ans et demi sur ce projet pour lequel il a été démarché par StudioCanal. Il s’agit d’une adaptation du best-seller de Jean-Claude Grumberg, « ami de toujours de mes parents, et qui m’a vu naître », précise Michel Hazanavicius.

« Je m’étais promis de ne jamais faire de film sur la Shoah, car c’est trop intime pour moi, trop lié à mon histoire familiale. Mais ce film vient de lui, son récit m’a beaucoup ému, on a fait l’adaptation ensemble… explique le réalisateur. Et puis, il y a une certaine pertinence à faire un film sur ce sujet aujourd’hui, ça n’est pas anodin, car la Shoah est en train de basculer dans l’Histoire poussiéreuse, ses derniers survivants vont disparaître… Et l’animation m’aide à traiter cette folie destructrice. En images réelles, je n’aurais jamais pu demander à des figurants d’interpréter la déportation… »

« Il y a une responsabilité à représenter les déportés dans un film »

Comme le roman, le film sera un conte, qui narre comment un couple de vieux bûcherons polonais sans enfants récupère, durant la Seconde Guerre mondiale, un gosse tombé d’un train de déportés. Après des désaccords entre eux, ils décident de l’adopter — c’est lui, « La plus précieuse des marchandises » — ce qui va créer des problèmes dans leur village.

« On suit le destin de plusieurs personnages, précise le cinéaste, le bûcheron, sa femme, l’enfant, mais aussi son père qui a l’a jeté du train qui les emmenait vers les camps… » Et puisqu’il s’agit d’un conte — la première phrase entendue dans le film sera « Il était une fois » —, et contrairement à ce que Jean-Claude Grumberg a écrit dans le roman, « les mots juifs, Auschwitz ou nazis ne seront pas prononcés dans le film… », Michel Hazanavicius y tient.

Pourquoi ? « Il y a une responsabilité à représenter les déportés dans un film, dit-il. Les gens étaient alors à l’état de loque à cause de l’entreprise de déshumanisation opérée par les nazis. J’ai cherché une manière d’évoquer cela qui ne soit pas obscène… » Pas obscène, mais bouleversante. C’est lui qui a dessiné tous les personnages dès le départ, et il est venu à Annecy avec ses croquis en noir et blanc, sur lesquels on peut notamment voir le père de l’enfant en tenue rayée et terriblement amaigri dans les camps où il est interné.

Les voix de Gérard Depardieu, Dominique Blanc et Jean-Louis Trintignant

Après cette phase de dessins préparatoires, la préproduction du film était lancée, même si elle a été perturbée par la pandémie de Covid-19 et ses confinements, temps que le réalisateur a mis à profit « pour tourner un long-métrage rapidement, qui est toujours à l’affiche », plaisante-t-il, en évoquant « Coupez ». Cela a consisté à d’abord tourner un premier film en images réelles avec de vrais comédiens « en quinze jours », sans décors mais avec des costumes, dont il a montré des extraits vendredi matin.

À partir de cette base, le story-board a été finalisé par l’équipe du studio d’Angoulême 3.0, chargé de l’animation du film, avec des images fixes, également projetées au WIP avant plusieurs séquences en cours d’animation. On y a découvert une ambiance entre naturalisme et réalisme, des sortes de magnifiques tableaux très blancs ou très sombres qui rappellent à la fois les peintures réalistes russes et les estampes japonaises, ce que désirait le réalisateur, et qui positionne totalement le film dans un univers de conte.

Reste maintenant à réellement rentrer en production de « La plus précieuse des marchandises », ce qui se fera à partir du mois d’octobre. Du côté des voix de doublage, Michel Hazanavicius a soigné son casting : Gérard Depardieu pour le bûcheron, Dominique Blanc pour sa femme, Denis Podalydès pour un autre personnage, et Jean-Louis Trintignant, décédé ce vendredi, et dont ce sera l’ultime participation à un film. Il y joue le narrateur — un extrait avec sa voix a déjà réussi à coller des frissons à l’assistance, son tout dernier rôle. Qui devra toutefois patienter jusqu’en 2024, date de sortie prévue du film…

Source leparisien