Scandale : Netflix investit un haut lieu de crimes nazis pour une série

Abonnez-vous à la newsletter

La prison de Lukiskes, à Vilnius, fut le théâtre de massacres lors de la Seconde Guerre mondiale. Netflix y a tourné des épisodes de la quatrième saison de sa série “Stranger Things”. Indécent, dénoncent des associations juives et roms.

Dans la forêt des catégories de contenus suggérées par Netflix, on connaissait « Inspiré de crimes réels à l’époque d’Internet », « Séries guerre et politique », « Romance sur l’amour dans tous ses états »… mais pas le label « Série SF, gros malaise et scandale ». Lequel correspondrait pourtant pleinement au sentiment de nombreux fans de Stranger Things quand ils ont appris qu’une partie des scènes de la saison 4 de la saga à succès, mise en ligne fin mai, avaient été tournées à la prison de Lukiskes, en Lituanie.

Drôle de lieu pour tourner une série ado que ce funeste établissement, centre de détention centenaire, témoin des heures les plus sombres de l’histoire du pays, et pourtant promu sans grand détail aux sociétés de production du monde entier par les autorités lituaniennes depuis sa très récente fermeture, en 2019. La prison est notamment connue pour avoir été, lors de la Seconde Guerre mondiale, un haut lieu des crimes de masse perpétrés par les nazis contre la population juive et rom de Vilnius, dont nombre des quelque 100 000 morts du massacre de Ponary.

Depuis le 27 mai, une pétition créée sur la plateforme Change.org par des représentants des communautés juive et rom et de survivants de l’Holocauste de différents pays demande à Netflix et à la production de la série des excuses publiques. Outre le choix du lieu figurant le camp soviétique où l’on voit le personnage de Jim Hopper condamné aux travaux forcés (la véritable prison a d’ailleurs également été le théâtre d’assassinats d’opposants politiques par le NKVD, avant l’arrivée des nazis), les initiateurs de la lettre, qui a déjà recueilli plus de 12 000 signatures, exposent d’autres griefs.

Ouverture des réservations

En premier lieu, une réappropriation malsaine des tatouages imposés aux déportés. La jeune héroïne de la saga, Eleven (« onze ») arbore en effet sur le poignet le numéro 11, assigné par les scientifiques qui l’ont transformée en cobaye. Il n’en fallait pas plus pour pousser certains fans peu renseignés sur la Shoah à se rendre de leur plein gré chez leur tatoueur.

Manifestement prête à tout pour surfer sur le succès de la série, l’une de ses plus éclatantes réussites en termes d’audience et de merchandising, la plateforme américaine aurait aussi noué un partenariat avec Airbnb (voir ci-dessous), que dénonce vertement la pétition de Change.org. Le but ? Louer, pour une centaine d’euros la nuit, d’anciennes cellules de la fameuse prison transformées pour l’occasion en chambres d’hôtel et décorées « à la mode eighties », comme l’appartement de Joyce (Winona Ryder) dans la série, selon plusieurs sites annonçant l’ouverture des réservations, le 4 juin. En prime, la plateforme de location proposerait un tour du propriétaire et une dégustation de gaufres, ces pâtisseries qu’aime tant Eleven. Vous avez dit obscène ?

Netflix nous fait part de sa réaction.

« Nous n’étions pas au courant de l’initiative unilatérale d’Airbnb de transformer ce lieu de mémoire en attraction. C’est éthiquement plus que discutable, cela s’est fait sans notre accord et ne fait pas l’objet d’un partenariat concerté. Nous avons demandé à Airbnb de retirer toutes les annonces et les offres de location concernant cet hôtel », nous fait savoir un porte-parole parisien de la plateforme de SVOD. Qui assure n’avoir pris connaissance que récemment de la polémique, la pétition de Change.org « n’étant pas encore très virale ». Concernant le choix de la prison de Lukiskes, le géant du divertissement campe en revanche sur ses positions. «  Il n’y a pas de profanation. »