Un témoignage qu’il n’a jamais rendu public, et qu’il accepte aujourd’hui de livrer en hommage à tous ceux qui l’ont sauvé. Michel Blum et sa famille ont été réfugiés juifs au Puy-en-Velay où les habitants n’ont dénoncé personne. La seule ville de France où une synagogue fonctionnait en temps de guerre.
« Si je suis en vie, c’est grâce à la ville du Puy-en-Velay, aux Ponots et aux Ponotes, le nom donné aux habitants ». Michel Blum a les larmes aux yeux quand il évoque ces temps sombres, entre 1941 et 1944. Plusieurs fois, sa voix s’étrangle. « Personne n’a dénoncé les Juifs, personne ne nous stigmatisait, il faut le dire et le faire savoir ».
Près de 80 ans après, Michel n’est plus ce blondinet bouclé que l’on voit, avec ses frères et ses parents, assis en tailleur, sur une photo sépia. Honorable Belfortain, ancien commerçant retraité, il accepte enfin de parler des heures tristes et de ce qu’il nomme « le séjour au Puy-en-Velay ». Longtemps, une forme de pudeur l’en a empêché, et aussi la douleur. « Aujourd’hui, je veux adresser de vive voix mes remerciements à la ville pour sa merveilleuse attitude pendant l’Occupation, et rendre hommage aux habitants ».
Il a accepté une première invitation officielle en 2020, qui l’a conduit sur les traces d’un passé contrasté : une vie d’apparence normale, mais une vie sur ses gardes, prêt à se cacher et à fuir encore. Il a aussi répondu à l’invitation du lycée professionnel en 2022 à travers une web conférence. « Il faut faire savoir que Le Puy-en-Velay n’a pas dénoncé ses Juifs réfugiés ».
Faire sa bar-mitsva en 1943…
« Nous ne sommes pas rescapés car nous n’avons pas été conduits à Auschwitz ou à Drancy, nous avons eu la vie sauve grâce au Puy-en-Velay ». Pourquoi ? Sa voix se charge de larmes plusieurs fois. « La place était commandée par Julius Schmäling, qui a déclaré : “Tant que je serai là, on ne touchera pas à un Juif” ». Michel ajoute que des crimes ont été commis par la Gestapo de Clermont-Ferrand, venue spécialement.
Au Puy-en-Velay, Michel, ses frères et cousins vont à l’école. Ils fréquentent la synagogue, rue Sarrecrochet, dans une boutique transformée en lieu de culte. Son frère, Pierre, y fera sa bar-mitsva en 1943, avec le rabbin Poliatschek… La Kommandantur n’était alors qu’à quelques rues. Incroyable, en pleine terreur ! « Nous habitions juste en face du commandant allemand, il nous disait bonjour », se souvient Michel, qui avait 10 ans lors de la communion de son frère. « À la Libération, il a été applaudi par la population qui l’a laissé libre de circuler, avec son couteau à la ceinture ». Michel se souvient aussi de deux commissaires, Brie et Ollier. « Quand on se présentait pour se déclarer comme le voulait la loi, ils nous disaient : “Mais vous, vous n’êtes pas Juifs, retournez chez vous” ». Cela les a sauvés aussi.
Trois survivants
Pendant ce temps, à Belfort, les magasins juifs étaient mis en vente, gérés par l’office de séquestration des biens juifs, conformément aux ordres. Les maisons étaient reprises par d’autres. 300 arrestations ont eu lieu, et des déportations, dont celle du petit Bloch, prix d’excellence, jamais revenu.
Il fallait du courage pour tout quitter, sans être jamais certain de l’issue. Michel Blum ne parle pas de courage mais d’hommage. « Nous sommes trois survivants, anciens élèves du Puy-en-Velay, à souhaiter qu’une plaque commémore ces faits remarquables ». Michel Blum, Gérard Marx et Yvan Raphael sont prêts à témoigner de l’accueil de la population ponote, de la résistance, de la milice, des risques pris par les Ponots.
Également de ce moment terrible où, en mai 44, une fuite informe que les enfants vont être arrêtés. Michel et ses frères, avec une quinzaine d’enfants, partent. Ils apprennent vers la frontière suisse que Marianne Cohn, qui conduit le convoi précédant, a été arrêtée, torturée et assassinée. « Elle écrit en prison un poème de résistance magnifique, Je ne trahirai pas », ajoute Michel. Le 5 juin, Michel et les enfants sont de retour et ne tremblent plus. Il pleure encore en pensant à son père, terrifié de perdre sa famille.
Si le travail de mémoire se poursuit dans les établissements scolaires du Puy-en-Velay, avec les enseignants, l’histoire des réfugiés juifs protégés par le commandant allemand et par la population du Puy-en-Velay reste peu connue. Alors que tout le monde connaît le mémorial du Chambon. Le Puy-en-Velay, séparé de Belfort de 470 km : le chemin de la liberté pour la famille Blum, revenue au complet. Marquée mais vivante , pleurant la disparition de plus de dix proches à Auschwitz. Rentrée contribuer à la reconstruction générale.