En Ukraine, une petite communauté est elle aussi bouleversée par la guerre : dans la ville d’Ouman, en plein centre du pays, des Juifs hassidiques ont investi depuis deux siècles tout un quartier. Mais l’invasion russe les a poussés dehors, eux aussi, malgré une cohabitation jusque-là toujours réussie.
Le sanctuaire de la grande synagogue d’Ouman est désert et les rares visiteurs depuis deux mois sont plutôt venus la nuit au sous-sol. Pendant les sirènes d’alarme anti-aériennes, des matelas restent dispersés à même le sol. La ville, véritable carrefour au centre de l’Ukraine, n’a été bombardée qu’au tout début de la guerre, fin février, mais la majorité des 2000 Juifs hassidiques de la ville sont partis, pour beaucoup vers Israël.
Mordehai avait fait ce choix avec sa femme et ses cinq enfants. Il est finalement rentré à la mi-mai 2022 : « C’est chez moi ici ! Comme tout le monde, on a voulu rentrer à la maison. » Pourtant quelques dizaines seulement de ses voisins sont de retour dans cette « petite Jérusalem« , un quartier fatigué aux trottoirs défoncés. Ici, le cyrillique laisse largement place à l’hébreu.
« La guerre nous a rapprochés »
Mordehai le confie : il ne comprend toujours pas cette invasion russe de l’Ukraine : « Poutine vient occuper ce pays qui n’est pas le sien ! Ça n’a pas de sens… Il gâche la vie de tout le monde, il tue des gens. Il se prend pour qui ? Il n’a pas le droit de faire ça. »
La proximité entre Vladimir Poutine et certains hassidiques de Russie ne change rien à son point de vue. Mordehai vit depuis 12 ans dans cette ville où il a toujours trouvé que tout le monde, ici s’entendait bien. Il faut dire qu’Ouman est un foyer historique du judaïsme dans la région : la ville accueillait avant l’Holocauste jusqu’à 22 000 Juifs. Et des milliers d’Hassidiques viennent encore se recueillir chaque année sur la tombe du rabbin Nahman de Bratslav.
« Il n’y a jamais eu d’antisémitisme ici« , assure Irina Rybnitskaya, qui gère la fondation liée à la synagogue : « Les différentes communautés ont toujours très bien vécu ensemble. Et cette guerre, dit-elle, nous a même rapprochés. Dès le début de la guerre, les hassidiques ont prié pour la paix et pris partie pour l’Ukraine. Et c’est rare qu’ils prennent position. »
Chacun ne souhaite qu’une chose, ici : « Que la guerre finisse. Alors, peut-être, une partie des juifs hassidiques d’Ouman, regagneront leurs foyers en Ukraine« , conclut-elle.