Après l’accord signé entre LFI et le PS, l’écrivain pointe bien des ressemblances entre le dynamiteur du Labour et le leader de La France insoumise.
Tom Bower est l’auteur de Dangerous Hero: Corbyn’s Ruthless Plot for Power (William Collins, 2019), une biographie du leader de l’opposition travailliste (entre 2015 et 2019) qui met à mal la réputation du fervent supporteur du dogme socialiste. Lors du scrutin général du 12 décembre 2019, les conservateurs menés par Boris Johnson avaient écrasé le Labour dirigé par Jeremy Corbyn. À la suite de cette débâcle électorale, ce dernier avait été remplacé par le modéré Keir Starmer à la tête de l’opposition travailliste.
Alors que le PS et LFI se sont rapprochés en vue des élections législatives en France, l’écrivain britannique dresse la comparaison entre l’ex-chef du parti travailliste et l’actuel de La France insoumise.
Le Point : Jean-Luc Mélenchon correspond-il au portrait que vous faites de Jeremy Corbyn dans votre biographie ?
Tom Bower : Corbyn et Mélenchon, c’est cousin cousine. Corbyn est un marxiste, grand allié de la Russie d’hier comme d’aujourd’hui, ennemi d’Israël, de l’Otan et de l’Union européenne. Heureusement, Boris Johnson était là pour lui barrer la route en 2019, faute de quoi il serait devenu Premier ministre. Le public ignorait tout de son passé d’agitateur dans les années 1970 et 1980 en tant que conseiller municipal dans le nord de Londres. C’était un marxiste pur et dur. L’opinion l’avait oublié, car il avait menti au sujet de son passé.
Comment définiriez-vous le personnage de Corbyn ?
C’est un narcissique avec un sens immense de l’importance de sa propre personne. Un être sectaire, sûr de son bon droit qui est persuadé qu’il dispose de toutes les recettes anticapitalistes en vue de créer un monde meilleur et une société plus juste, ce qui est éminemment dangereux. Il déteste ceux qui réussissent et s’identifie aux perdants.
Quelles auraient été les conséquences d’une victoire de Corbyn face à Johnson lors du scrutin général de décembre 2019 ?
S’il était devenu Premier ministre, il aurait aboli l’armée et la force de dissuasion nucléaire. Le Royaume-Uni aurait quitté l’Otan et l’Union européenne, car il était virulemment anti-américain et dans son for intérieur pro-Brexit. Il aurait procédé à des nationalisations massives avec les conséquences catastrophiques pour l’économie britannique que cela comporte. En créant tous azimuts des emplois dans la fonction publique, la Corbynomics dispendieuse aurait été impossible à financer.
Les accusations d’antisémitisme visant Corbyn étaient-elles fondées ?
Bon nombre de ses supporteurs croient dur comme fer dans la théorie d’une conspiration mondiale menée par des capitalistes juifs. Ils haïssent Israël en dénonçant l’oppression des Palestiniens, mais ils ferment les yeux sur les atteintes aux droits de l’Homme en Chine, en Russie ou dans les pays musulmans.
Corbyn était-il proche des islamistes ?
Il s’était allié aux musulmans « ultras » qui détestent les valeurs de la civilisation occidentale. En partageant une tribune avec des représentants de cette mouvance malveillante qui a l’antisémitisme dans son ADN, il a démontré son attachement à leur cause.
Comment expliquez-vous le pouvoir d’attraction de Corbyn auprès des jeunes ?
Les jeunes n’ont aucune expérience de l’extrême gauche. Ils ignorent tout de l’ère communiste en Europe de l’Est, dont Corbyn s’est fait l’ardent défenseur. Ils sont très sensibles au discours social de Corbyn comme celui de Mélenchon.
Corbyn était également populaire auprès des « bobos » des grandes villes ?
En martelant les thèmes de la justice sociale, de l’environnement et du soutien aux minorités, Corbyn a attiré une partie des « bobos » qui refusaient de voir ses liens avec les islamistes. Keir Starmer (l’actuel chef du parti travailliste) en est le meilleur exemple. Comme Corbyn, il représente une circonscription londonienne gentrifiée. Il a siégé non-stop au sein du cabinet fantôme (contre-gouvernement) de Corbyn au lieu de démissionner en raison de l’antisémitisme de ses supporteurs et de sa défense du Brexit.
Quelle est l’influence que les « Corbynistas » détiennent aujourd’hui au sein du Labour ?
Les partisans de Corbyn sont plus que jamais présents à tous les échelons, y compris dans le contre-gouvernement de Keir Starmer. C’est d’ailleurs la principale raison de sa pauvre prestation lors des élections locales (du 5 mai). Starmer n’ose pas affronter l’extrême gauche. Il devrait s’inspirer de Tony Blair qui, venu à la tête du Labour en 1994, s’est immédiatement débarrassé de l’aile gauche dont les errements avaient été responsables des quatre défaites électorales d’affilée. Starmer sera toujours maudit par son association avec Corbyn ».