Thouars et Fougères : 2 villes honorent leurs déportés juifs

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Deux villes ont honoré leurs déportés juifs à l’occasion de la commémoration de la journée nationale de la déportation : Thouars, en Nouvelle Aquitaine, et Fougères en Bretagne.

Inauguration d’une stèle à Thouars

Une stèle a été inaugurée samedi 30 avril 2022 dans les jardins de la mairie de Thouars, en hommage à dix Thouarsais de confession juive, déportés à Auschwitz entre 1942 et 1944. Une cérémonie à la fois émouvante et emplie d’espoir.

Des larmes ont coulé et l’émotion était grande, samedi 30 avril 2022, dans les jardins de la mairie de Thouars. Une centaine de personnes étaient réunies pour un temps de recueillement et un moment d’histoire. Une stèle a en effet été inaugurée pour rendre hommage à dix Thouarsais de confession juive, aux destins brisés par la haine et la folie humaine.

Un aboutissement que l’on doit notamment à l’extraordinaire travail d’historienne mené pendant deux ans par la Thouarsaise Marie-Danièle Lenne, membre de la société d’histoire, d’archéologie et des arts du Pays thouarsais (Shaapt) mais également du centre régional Résistance et Liberté (CRRL), partenaires actifs de l’initiative, avec le soutien de la Ville de Thouars.

Cette stèle immortalise ainsi dix vies arrachées à la liberté par la barbarie : Marguerite Boltramovitch, Albert Gomel, Lazare Hasmann, Eugénie Lang, Alice Loeb, Sami Mazliah, Théodore Reichmann, Henri Schwob, Samuel Tcherniakowski, Adélaïde Wisner.

La pierre est désormais posée ici, au coeur de la cité. A deux pas des bureaux de l’hôtel de ville, là même où l’occupant nazi avait installé sa Kommandantur, il y a un peu plus de 80 ans. Et à proximité également de l’ancienne gendarmerie, première étape des victimes dans le funeste périple menant à Auschwitz.

« Ils étaient serveurs au Cheval blanc, à la Villa du viaduc, papetier, imprimeur… Un jour, un soir, une nuit, ils ont été arrachés à leur liberté d’être humain par les gendarmes au nom de l’Etat français, a notamment rappelé Damien Cocard, président de la Shaapt. Un long chemin de l’horreur qui commence dans la douceur de notre cité… »

« Ils se pensaient en sécurité ici, a ajouté le maire de Thouars Bernard Paineau. Je veux saluer le travail remarquable qui a permis de nous réunir devant cette stèle. Cette cérémonie trouve tout son sens dans le contexte actuel. 80 ans après, les leçons de l’histoire ont été oubliées… »

« Votre initiative permet de transmettre aux jeunes générations et de combattre le négationnisme et le révisionnisme. Elle perpétue la mémoire de nos familles, qui ne doit pas s’éteindre. L’oubli est une seconde mort. Par votre action, vous contribuez à leur redonner un souffle de vie. Nous vous en sommes infiniment reconnaissants », a notamment déclaré Danielle Idrissi-Woliner, petite nièce de Lazare Hasmann, au nom des descendants des victimes, venus partager ce devoir et ce chemin de mémoire avec les Thouarsais.

Fougères se souvient de ses martyrs juifs

Une plaque commémorative et un arbre souvenir voisinent désormais avec le monument des déportés. Une inauguration à l’occasion de la journée du souvenir de la déportation.

Chaque année Fougères organise une cérémonie à l’occasion de la journée nationale du souvenir de la déportation. Cette fois cette cérémonie a pris un tour particulier. Elle a plus particulièrement permis de saluer la mémoire de six Fougerais juifs, morts dans le camp d’Auschwitz.

Léon et Selma Lévy, deux commerçants en bonneterie installés à Fougères depuis 1935, et leurs filles Gaby et Nelly furent incarcérés dans la prison Jacques-Cartier, à Rennes, puis transférés dans le camp de Drancy, et ensuite à Auschwitz (convoi 66), où ils furent gazés le 24 janvier 1944.

Deux autres Fougerais, Isaac et Rachel Toper, les avaient précédés dans un sinistre convoi de la mort, en juin 1941 et en octobre 1942. Russe émigré en France en 1917, bottier, Isaac était arrivé à Fougères en 1941 pour travailler chez Desmoires industries. Rachel l’avait rejoint en mai. Elle fut arrêtée à son domicile, dans la rue de la Pinterie, en octobre 1942. Tous les deux furent successivement déportés à  Auschwitz.

Deux autres Fougerais, arrêtés en raison de leur appartenance religieuse mais qui échappèrent aux camps de la mort :  Léon Kriszenstein et Jean Rosenberg. Le premier, juif polonais installé à Fougères depuis les années 30, fut arrêté en 1941 mais put s’évader. Le second, arrêté à Lécousse en décembre 1943, réussit à s’évader de Drancy.

Une plaque commémorative a été inaugurée dimanche, près du monument des déportés. Elle a été dévoilée par le maire, Louis Feuvrier, et Nicolle Dalle-Lévy, nièce de Léon Lévy, qui vit aujourd’hui à Chantepie. Nicolle Dalle était accompagnée de Cédric, son petit-fils.

Un arbre souvenir a aussi été planté. A ses pieds des élèves des collèges Gandhi et Sainte Marie ont déposé des roses. L’un d’entre eux a aussi lu un texte relatant la vie des six martyrs. Les collégiens ont été associés à l’ensemble de la cérémonie, aux côtés des associations d’anciens combattants, des personnalités et des familles des déportés du Pays de Fougères.

Le maire Louis Feuvrier a résumé l’état d’esprit général : « cette journée rappelle à tous le drame historique et les leçons qui aujourd’hui encore s’en dégagent. »  Les derniers directs de ce drame sont de moins en moins nombreux. « Et le danger nous guettent qu’ils tombent dans l’oubli » a prévenu Louis Feuvrier : « oublier ces hommes, ces femmes, ces enfants, victimes innocentes de la barbarie nazie et de leur industrie de la mort, serait inacceptable. Ne pas témoigner serait trahir. »

Avec lanouvellerepublique et actu