«La Mort en face : le pogrom de Iasi», l’enfer commence en Roumanie

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En recueillant la parole de ses derniers survivants, le réalisateur William Karel évoque ce massacre de 15 000 juifs en 1941, longtemps laissé dans l’ombre par les autorités roumaines. Sur France 5.

Le 22 juin 1941, la Roumanie fasciste dirigée par Ion Antonescu entre en guerre aux côtés de l’Allemagne. Moins d’une semaine plus tard, le 28 juin 1941, près de 15 000 juifs roumains sont assassinés en huit jours à Iasi, berceau antisémite du pays, dans des conditions abominables. En témoigne la centaine de photos prises pour la plupart par des soldats allemands et roumains, qui défilent devant la caméra du réalisateur William Karel. Parce que « les nazis ont voulu faire disparaître les juifs mais aussi les traces et les témoins de leur disparition », le réalisateur – 15 films sur le sujet en trente ans de carrière – s’est donné pour mission de documenter inlassablement l’Holocauste. Il recueille ici la parole d’une poignée de survivants de Iasi.

A jamais marquée par l’horreur de la tragédie

Ils n’étaient que des enfants à l’époque mais leur mémoire est à jamais marquée par l’horreur de la tragédie. Ils racontent la terreur, la réquisition des hommes de leur communauté pour creuser des fosses de 30 mètres sur 15 quelques jours avant le massacre. Et puis les coups, les humiliations, les rafles, les exécutions dans les rues, l’entassement des leurs par 40 °C dans des wagons à bestiaux, la faim, la soif. Parfois, ce sont les cadavres d’un père, d’une sœur, d’un grand-père, morts par écrasement, par asphyxie ou d’épuisement, qu’ils voient déchargés « comme des sacs », enterrés au bord du chemin de fer dans des fosses communes.

Ces souvenirs sont doublement précieux : d’abord parce que ce sont les derniers témoignages du massacre mais aussi parce qu’ils soulignent le rôle actif de la police, de l’armée et de la population dans l’exécution de la communauté juive de la ville. De Ceausescu, soucieux de préserver le mythe de la résistance du peuple contre le fascisme, jusqu’aux gouvernements démocratiques du début du XXIe siècle, le pays a minimisé ses responsabilités et même tenté de faire oublier l’existence du pogrom. Il faudra attendre novembre 2004 pour que la Roumanie, présidée à l’époque par Ion Iliescu, reconnaisse pour la première fois la pleine implication de l’Etat fasciste d’Antonescu.
Dimanche 24 avril à 22h40 sur France 5. Documentaire de William Karel et Nellu Cohn (2020). 52 min. (Disponible en replay sur france.tv).
Par Hélène Riffaudeau