Les opposants au projet de modernisation, qui condamne la façade historique de la synagogue du XVIe arrondissement, défendent une alternative permettant d’agrandir sans détruire.
Et s’il était possible de préserver la façade historique de la synagogue Copernic (XVIe), tout en remodelant et en agrandissant l’ensemble de l’étroit immeuble, pour y créer un ascenseur, une salle de culte à la mesure de son assemblée de fidèles, et mettre aux normes un bâtiment menacé faute de sécurité ? Et si le projet des architectes Valode & Pistre, adoubé par le conseil d’administration de l’Union libérale israélite de France (Ulif), et dont le permis de construire est actuellement à l’instruction, s’amendait pour intégrer les propositions d’un autre ?
Le pari est osé, pourtant l’association pour la Protection du patrimoine de Copernic (APPC) tente le tout pour le tout, avec l’espoir de convaincre les dirigeants de la synagogue. « S’ils s’en saisissent, ce sera le point de départ d’un dialogue », espère sa fondatrice, Eva Hein-Kunze. Dans le cas contraire, l’APCC est déjà résolue à des recours en justice contre le futur permis de construire, à l’instruction depuis plus de six mois. « Notre vocation est d’empêcher la démolition de la façade », rappelle Eva Hein-Kunze avec la même détermination que celle des dirigeants de l’Ulif à défendrent le projet Valode & Pistre, qui qui condamne la façade mais augmente de moitié la capacité de la salle de culte, en transpose l’intégralité des éléments Art déco, et agrandit l’ensemble de 900 mètres carrés.
« Nous avons toujours laissé la porte ouverte, tout ce qui se révélera de bonnes idées et permettra de progresser sera étudié, mais il faut prendre le temps d’y travailler sérieusement, et surtout sans présager de notre réponse. On ne peut rien dire sur ce contre-projet tant que l’on n’a pas pu l’étudier ! » répond Jean-François Bensahel, le président de l’Ulif.
Ce que propose Regard naïf ? Conserver cette façade esthétiquement médiocre, mais si emblématique de l’histoire de Copernic. Un morceau de patrimoine chargé d’une mémoire que la version contemporaine des architectes lauréats remplace par une façade de verre et de pierre de Jérusalem, percée de failles en forme de chandelier. Or pour Roland Larivière, le fondateur de Regard naïf, cette modernité illustre « ce qu’il y a de dogmatique dans la nouvelle architecture des quartiers historiques. Je défends un retour à une architecture plus traditionnelle dans la capitale. Cette façade n’est pas remarquable mais elle remplit son rôle et se fond dans le quartier. Ma démarche est de montrer que l’on peut agrandir, créer une terrasse, un ascenseur, des espaces ambitieux, tout en la conservant. Si les architectes sont prêts à travailler sur ma proposition, l’on peut agrandir en préservant l’esthétique qui continue l’histoire de Paris. Il faut évidemment vivre avec son temps et accepter le moderne s’il est beau, mais il faut aussi en finir avec cette obligation de ne faire que des styles modernes ou de rupture. »
Une terrasse en toiture
Sans détruire le bâtiment, cet ingénieur informaticien « passionné d’architecture » propose de remplacer la surélévation existante par une nouvelle « d’un style homogène à sa base historique », de réaménager le premier niveau avec l’ouverture du mur sud de la salle de culte, pour y créer une mezzanine pouvant s’étendre jusqu’à la rue, afin d’augmenter sa capacité. Regard naïf dessine également des balcons aux étages supérieurs, conserve mais modifie le projet de terrasse donnant sur le réservoir d’eau non potable de Passy, et… en ajoute une seconde : une terrasse panoramique en toiture, non prévue dans le projet officiel, avec vue sur la tour Eiffel et patio vitré. « C’est ma cerise sur le gâteau », se félicite Roland Larivière.