« Quels seraient pour vous les critères de l’extrême droite ? »,
demande Apolline de Malherbe au philosophe Michel Onfray, qui vient de refuser de classer Marine Le Pen à l’extrême droite.
« Bonne question. Faisons de l’Histoire. »
Onfray pourrait lister « une dizaine de critères »
, il n’en retient qu’un seul. « C’est la violence des rues, le refus de la démocratie. Les fascistes ne vont pas au bureau de vote. »
En outre, « vous voyez de l’antisémitisme chez cette femme qui nous dit que la shoah est la pire catastrophe du 20e siècle ? »
Personne n’a jamais dû lui raconter que les nazis, sous la République de Weimar, se présentaient régulièrement aux élections, et ont accédé légalement au pouvoir.
🎙 « Ca me parait évident que Marine Le Pen n’est pas d’extrême-droite ».
Michel Onfray face à Apolline de Malherbe pic.twitter.com/R1xGljFyLu
— RMC (@RMCInfo) April 19, 2022
Mais non, Marine Le Pen n’est pas d’extrême droite ! renchérit un autre philosophe, Marcel Gauchet, au micro de la radio reprise en main par Bolloré, Europe 1. À Gauchet, qui lui aussi « fait de l’histoire »
, Le Pen rappelle plutôt « furieusement »
le De Gaulle des débuts de la Ve République. « On trouverait dans le RPR du premier gaullisme des gens plus à droite qu’elle »,
insiste Gauchet, qui n’a pas dû retenir que le « RPR » chiraquien est né dans les années 1970, bien après la mort de De Gaulle.
Sans doute le respectable philosophe pense-t-il que De Gaulle avait lui aussi inscrit à son catalogue la préférence nationale. Non seulement Sonia Mabrouk ne lui oppose pas l’ineptie d’une comparaison entre l’homme qui a mâté les velléités Algérie française de l’Armée, essuyé les tirs de l’OAS au Petit-Clamart, et l’héritière d’un parti fondé par des Waffen SS (après tout, Marine Le Pen n’est pas responsable de son père) mais aucune allusion, là non plus, au programme du RN, cette « priorité nationale » qu’elle veut imposer par référendum, en mettant au pas le conseil constitutionnel.
Marcel Gauchet : Marine Le Pen « occupe la position d’extrême droite » dans l’échiquier politique. « Elle a un fardeau historique à porter (…) en réalité elle incarne quelque chose de très différent de ce qu’a été l’extrême droite et on gagnerait à le reconnaître »#Europe1 pic.twitter.com/vQM5ohR0eF
— Europe 1 🎧🌍📻 (@Europe1) April 13, 2022
Onfray et Gauchet : deux incontestables intellectuels. Ils ont lu. Ils ont écrit. Ils ont été, sont encore, écoutés. On ne peut pas reprocher à ces puissants esprits de s’être laissé berner par l’image pieuse de la dame aux chats, comme les Karine Le Marchand, Calvi, Marschall-Truchot, ou Hanouna (voir l’hilarant et accablant montage de Sherlock Com). Tous deux viennent de la gauche intellectuelle. Énumérer toutes les étapes de leur parcours dépasserait le cadre de cette chronique matinale. Disons que tous deux sont passés par le sas de la « laïcité dure », euphémisme pour désigner l’obsession de l’islam, en compagnie des Valls, Fourest, autres piliers de plateaux. Et les voici, sortis du sas, et de l’ambiguïté, révélant en pleine lumière leur accommodement épuisé à la xénophobie et au racisme. Comment nommer ce système qui leur ouvre en permanence les micros ?
Daniel Schneidermann