La deuxième saison de la série d’Arte qui met en scène un psychanalyste, incarné par Frédéric Pierrot, et ses patients, joués par de nouveaux comédiens, se déroule juste après le confinement du printemps 2020.
Pour une fois qu’une série française parvient à tenir le rythme – une saison chaque année –, voilà qu’une olympiade s’est écoulée entre les premières cures du docteur Dayan – menées dans les semaines qui suivirent les attentats de novembre 2015 – et la nouvelle portée de patients de la saison 2 d’En thérapie, saisis en leur souffrance à la fin du premier confinement, en 2020. Si la série élaborée par Olivier Nakache et Eric Toledano retombe sur ses deux pieds après ce saut acrobatique, c’est bien grâce à Frédéric Pierrot.
Passé de l’autre côté du périphérique après son divorce, officiant dans un pavillon de meulière du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), le Philippe Dayan nouveau porte sur son visage les stigmates de ses tourments, à commencer par le procès, toujours en cours, que lui a intenté la famille d’Adel Chibane, le patient mort au combat contre l’organisation Etat islamique en Syrie. Au gré des trente-cinq épisodes, Frédéric Pierrot fait osciller son personnage entre la colère et le découragement, entre l’assurance du praticien expérimenté et la peur de l’échec. Il confère au thérapeute une assurance, une gravité qu’on ne faisait que deviner, espérer.
Un contact presque charnel
Cette intimité entre l’acteur et le personnage autorise un accès immédiat, un contact presque charnel avec les nouveaux patients. Nakache et Toledano sont restés fidèles aux règles du jeu qu’ils ont édictées : à chaque personnage son réalisateur. Inès (Eye Haïdara), l’avocate surgie du passé de Dayan, est mise en scène par Agnès Jaoui ; le duo s’est réservé le cas de Robin (Aliocha Delmotte), le rejeton du couple en voie de désagrégation qu’incarnaient Clémence Poésy et Pio Marmaï dans la première saison ; Arnaud Desplechin met en scène les tourments de Lydia (Suzanne Lindon), étudiante en architecture frappée par un cancer ; Emmanuelle Bercot filme Alain (Jacques Weber), chef d’entreprise dont une employée s’est suicidée et, le vendredi, Emmanuel Finkiel suit Philippe Dayan vers sa nouvelle référente, Claire (Charlotte Gainsbourg).
Dans les situations de chacun de ces personnages, dans les péripéties qui affectent la conduite de ces différentes cures, dans les dialogues, on reconnaîtra, peut-être encore plus que dans la première saison, la matière des secondes saisons de BeTipul et d’In Treatment, le modèle israélien d’En thérapie et son adaptation américaine. Pourtant, la version française affirme encore plus fermement son originalité. Elle tient en partie à l’attention croissante que les scénaristes, emmenés par Clémence Madeleine-Perdrillat, portent au métier qu’exerce Philippe Dayan.
Un spectre hante cette deuxième saison, celui de Jacques Lacan. Il y est fait référence au détour d’un échange avec un ou une patiente, sa pensée, ses dits et ses écrits nourrissent les séances du vendredi. Ce flirt avec les concepts trouve sa contrepartie (son antidote ?) dans la vérité des personnages. Elle tient en partie à l’autre versant de l’écriture, ancrée dans le traumatisme de la pandémie de Covid-19, dans l’attention à la réalité des circonstances.
La croyance que l’on peut avoir dans l’existence d’Inès, de Robin ou de Claire naît aussi du casting, à nouveau impeccable, qu’il révèle (Aliocha Delmotte en préadolescent persécuté), confirme (Eye Haïdara en femme forte empêchée d’exercer cette force) ou rappelle au bon souvenir (Jacques Weber en colosse aux pieds d’argile). Il est encore magnifié par l’appariement entre acteurs et metteurs en scène. Chacun à sa manière, les cinéastes trouvent le moyen de s’emparer de l’espace confiné du cabinet, de tourner autour ou de fixer leurs personnages. Parce que l’élégance et la superbe d’Arnaud Desplechin ne ressemblent pas à l’empathie inquiète de Nakache et Toledano – par exemple –, chaque thérapie prend une existence autonome.
Construite autour d’un trauma national – les attentats –, la première saison a fait irruption au moment d’un trauma mondial – la pandémie – qui a servi de fondation à la deuxième saison. Et voici que celle-ci arrive au moment d’un nouveau choc planétaire, que l’on imagine très bien à l’arrière-plan des futurs épisodes. Il suffit d’un canapé et d’un fauteuil pour tenir la chronique de la fin du monde.
En thérapie, saison 2, série créée par Olivier Nakache et Eric Toledano d’après BeTipul de Hagai Levi, saison écrite par Clémence Madeleine-Perdrillat, réalisée par Emmanuelle Bercot, Arnaud Desplechin, Emmanuel Finkiel, Agnès Jaoui, Olivier Nakache et Eric Toledano, avec Frédéric Pierrot, Aliocha Delmotte, Charlotte Gainsbourg, Eye Haïdara, Suzanne Lindon, Jacques Weber (France, 2022, 35 x 26 minutes). Arte, 5 épisodes chaque jeudi à 20 h 55 à partir du 7 avril, en intégralité sur Arte.tv dès le 31 mars.
Si vous êtes complètement addict à la série, vous trouverez également sur le replay 8 films variant de 2 à 57 minutes sur les personnages, les réalisateurs et la série. Bon weekend sur arte sous la neige!