Recueil brut, sans commentaire, de textes de victimes et bourreaux de la Shoah, anonymes ou célèbres, La Diaspora des cendres est à découvrir sur le replay de LCP.
« Nous voulions parler, être entendus enfin. À peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions. À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable », écrit Robert Antelme, rescapé d’un camp nazi, dans L’Espèce humaine.
C’est cet impensable que William Karel donne à entendre et à voir dans La Diaspora des cendres, recueil brut, sans commentaire, de textes de victimes et bourreaux de la Shoah, anonymes ou célèbres. Auteur d’une quinzaine de films sur la question juive – Contre l’oubli, Album(s) d’Auschwitz, Jusqu’au dernier : la destruction des juifs d’Europe… –, ce grand documentariste aux 80 printemps passés ressentait le besoin de coucher sur bande-son et pellicule des mots et images qui lui avaient été confiés au cours de ses recherches.
Témoignages rares
« J’avais le regret de ne pas avoir utilisé de nombreux documents que je conservais sur mon ordinateur », confiait-il en mai dernier, alors que France Culture diffusait La Diaspora des cendres. Un documentaire sonore de deux heures d’une rare puissance, tissé des témoignages de prisonniers des camps ou de soldats SS lus sans pathos par six voix dont deux pensionnaires de la Comédie-Française (Elsa Lepoivre et Denis Podalydès).
À l’occasion de la commémoration de la libération des camps de concentration, LCP en propose une version télévisée d’une heure. Les témoignages, glaçants ou cyniques, résonnent sur des images de propagande nazie, des plans fixes d’Auschwitz, des dessins horrifiques de lieux d’extermination ou des photos de sacs de cheveux en partance pour la confection de pantoufles en Allemagne…
William Karel craignait que les images n’érodent la puissance des mots lus. Il n’en est rien. Si le documentaire convoque moins l’imagination que sa version sonore, il montre avec la même force l’efficacité de l’entreprise de déshumanisation et d’exaltation de la haine qui mène à l’« inimaginable ».