A Marcq-en-Baroeul destruction d’une statue commémorant la Shoah

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À Marcq-en-Baroeul, dans le parc de la Fondation Prouvost, 21 sculptures géantes sont installées depuis 2007 en mémoire de la Shoah. Une a été détruite. L’artiste lance un appel.

Qu’est-ce que le devoir de mémoire ? Jean-Claude Bresler le porte dans sa chair. Il a réalisé 21 sculptures installées au Jardin Prouvost, à la Fondation Septentrion, de Marcq-en-Baroeul depuis 2007. Leur thème : la shoah. Une de ses œuvres vient d’être vandalisée, plus un panneau explicatif. L’acte serait-il antisémite ? Une plainte a été déposée. L’artiste lance un appel pour que son œuvre perdure et mobilise.

Si vous passez aujourd’hui par le Jardin Prouvost de la Fondation Septentrion de Marcq, vous serez baigné par le calme de la nature, et vous ne verrez sans doute pas les dégâts infligés à l’œuvre de l’artiste Herzi. Herzi, c’est le pseudo de Jean-Claude Bresler, qui s’est choisi comme nom d’artiste le prénom de son père.

Ses sculptures, installées depuis 2007, sont sous bâche l’hiver. Sous l’une d’elles, des lambeaux se détachent : l’œuvre centrale de l’installation a été dégradée.

Viscères géants effrayants, l’ombre de la Shoah

Un panneau explicatif est tombé : il a été lui aussi vandalisé. Et ce n’est pas n’importe quel panneau : il est signé de l’historien Georges Bensoussan, qui rappelle le but de cette installation artistique : « Cette œuvre est habitée par la transmission d’un traumatisme reçu en héritage… »

Ces sculptures étranges forment « La Chrysalide des ombres ». Elles sont baptisées « Tolmen », contraction de Golem et Totem. « Le Golem protège les faibles, le Totem représente la loi, moi qui suis écorché par toute injustice… », dit Herzi.

Des formes mystérieuses, sortes de viscères géants effrayants d’où parfois semblent émerger des visages, évoquent l’ombre qui avale les vivants. Plus qu’un symbole pour l’artiste.

Après avoir travaillé dans la communication, avoir été journaliste, prof de yoga, psychanalyste, c’est à l’âge de 50 ans que Jean-Claude Bresler a commencé la sculpture. Un travail de « mémoire, de résilience et d’espérance » pour l’artiste né dans une famille juive marquée par les camps de concentration.

Profanation

Traumatisé par une histoire familiale qu’on lui a cachée pendant longtemps, Jean-Claude Bresler a cherché toute sa vie à transcender cette souffrance, cette abîme de l’humanité.

Les dégradations volontaires représentent ainsi pour lui une sorte de « profanation ». Cela ravive la plaie que la haine, peut-être, n’est jamais loin.

Il a découvert les dégâts fin décembre 2021, mais il ne sait pas exactement quand ils ont été commis. Il a porté plainte, mais n’a aucun espoir que le ou les auteurs soient retrouvés.

Un entretien difficile : comment l’assurer dans l’avenir ?

Et maintenant ? L’œuvre endommagée est irréparable. L’idée de l’artiste est de la consolider, de colmater les brèches, et de la laisser en l’état, comme un symbole. Un signe de la blessure. Une blessure qui rappelle la haine devant laquelle on ne baisse pas les bras.

Mais Jean-Claude Bresler a un plus grand espoir concernant ses œuvres : qu’elles soient reprises par d’autres. D’abord, d’un aspect pratique, leur entretien est prenant. « L’argile est une matière très fragile. J’ai 77 ans, il faut chaque printemps venir réparer les dégâts de l’hiver, monter sur une échelle… J’aimerais qu’on prenne la relève ».

Cet entretien pourrait mobiliser des jeunes, créer de l’emploi peut-être : « Pourquoi pas un chantier avec par exemple les compagnons d’Emmaüs ? »

Une fête annuelle autour de la fraternité ?

L’artiste pense aussi à une fête annuelle autour de la fraternité. « Comment donner vraiment vie à ce lieu ? Ce n’est pas un cimetière… », dit Brigitte, une des amies de l’artiste. « Je vois bien un grand rendez-vous avec des musiciens, de la convivialité, pour tous les âges… », rêve le sculpteur humaniste d’abord.

L’artiste compte distribuer des tracts dans le quartier pour mobiliser. Il confie que sans réponse, ses œuvres se dégraderont et disparaîtront.

En savoir plus sur l’artiste et son œuvre, aller sur le site internet ici. Infos : jcbresler@gmail.com.