Une plantation effectuée dimanche 9 janvier sur des terres contestées a mis le feu aux poudres entre la population bédouine et les autorités israéliennes. Le gouvernement a fait machine arrière, mais le parti arabe de la coalition s’est mis en grève parlementaire.
Des bulldozers sont arrivés dimanche 9 janvier au matin, pour nettoyer un terrain sablonneux dans le petit village bédouin d’Atrash, à quelques kilomètres de la ville israélienne de Beersheba dans le désert du Néguev. Les jardiniers du Fonds national juif, sous contrat des autorités israéliennes, ont commencé à planter des jeunes pousses, sous la protection de policiers surarmés.
Les habitants bédouins s’y étaient préparés, avaient prévu des sit-in et des manifestations pour protester. Mais peu à peu, les choses ont dégénéré. Lundi, leurs tentes ont été détruites. Et pendant les deux jours qui ont suivi, la police israélienne, qui a la grenade à assourdissement et le gaz lacrymogène faciles, a arrêté des dizaines de manifestants, dont beaucoup de mineurs, certains de moins de 12 ans.
Dérogation rabbinique
La violence s’est propagée dans la région, encouragée par les provocations de la droite israélienne. Ses élus ont pu se joindre à la plantation après avoir bénéficié d’une dérogation rabbinique expresse pour « protéger la terre d’Israël », la Terre promise étant actuellement en année de jachère rituelle.
Le projet date de 2020, et la décision de l’État de planter des arbres sur près de 4 000 hectares dans la région « pour sauvegarder les espaces naturels du contrôle illégal ». Cet euphémisme se réfère à l’expansion des localités bédouines. La moitié des 160 000 Bédouins du Néguev vivent dans des villages qui n’ont pas reçu l’aval des autorités. Leur existence a toujours été menacée. Sous le couvert de la modernité, Israël demande à voir des titres de propriété, mais les Bédouins ne peuvent se reposer que sur leur tradition orale.
L’effet Raam
Le premier recours sur le terrain en question date de 1973, et n’a pas encore reçu de décision. Le gouvernement israélien affirme que la plantation ne change rien au conflit sur la propriété ; mais les habitants ne sont pas dupes. Même avant la création de l’État, les arbres ont été utilisés pour affirmer une présence israélienne sur des terres contestées. Aujourd’hui encore, le Fonds national juif soutient la plantation d’arbres en Cisjordanie, à quelques kilomètres à peine d’Atrash.
Mercredi 12 janvier, le ministre israélien du travail, Meir Cohen, responsable de la politique de conciliation du gouvernement avec les villages non reconnus du Néguev, a annoncé que le gouvernement allait suspendre les travaux pour ouvrir des consultations avec les populations locales.
Une crise profitable pour l’opposition
Le pouvoir israélien s’est fait déborder sur une problématique qu’il savait sensible. Sous la poussée de l’extrême droite, la droite gouvernementale a promis de « rétablir la souveraineté de l’État » dans ce que certains vont jusqu’à appeler le « Bédouistan ». Une promesse en opposition directe avec Raam (Liste arabe unie), seul parti arabe du gouvernement, dont les Bédouins du Néguev sont le socle électoral.
« Quand ils tirent directement au cœur, je ne peux pas continuer. Le Néguev, c’est Raam », a réagi le chef du parti, Mansour Abbas, à la télévision, en annonçant que ses députés se mettaient en grève parlementaire. Raam, qui a promis beaucoup aux Bédouins, se voit perdre une partie de son électorat en faveur des autres partis arabes, restés en dehors de la coalition.
L’opposition menée par Benyamin Netanyahou a bien profité de cette crise, en passant six lois au Parlement. Le gouvernement devrait encore tenir : les partis qui font ménage dans cette coalition fragile ont trop à perdre pour ne pas essayer de trouver un compromis. Mais la liste des sujets contentieux continue à s’allonger.