Poitiers : à la recherche des enfants « étoiles » de Coligny-Cornet

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Les élèves de l’école Coligny-Cornet ont mené durant plusieurs mois un travail autour de l’histoire d’enfants juifs déportés. Un émouvant devoir de mémoire.

Un jour de janvier 2021, Patricia Duchadeuil, la directrice de l’école élémentaire Coligny-Cornet, accompagnée d’un agent municipal, décide de faire un peu de rangement « dans les placards du bas », à l’école Cornet, ancienne école de filles. D’une pile de vieux documents poussiéreux dépasse un cahier d’appel d’octobre 1941 au bleu délavé que l’enseignante ouvre…. « Je me suis dit peut-être qu’il y a eu dans l’école des enfants qui étaient juifs. Et là, je trouve le nom de Rachel Friedmann… »

De la rue de la Croix-Rouge à Auschwitz

À partir de ce simple nom inscrit au bas d’un registre, Patricia Duchadeuil entreprend de nombreuses recherches : aux archives départementales, au mémorial de la Shoah, écrit au consistoire israélite de Metz, sollicite les réseaux sociaux pour reconstituer l’itinéraire de la famille Friedmann, arrivée de Moselle pour s’installer à Poitiers, au 7, rue de la Croix-Rouge, juste en dessous de l’école Coligny-Cornet.
La famille, d’origine tchécoslovaque, compte neuf enfants. Plusieurs d’entre eux seront arrêtés début 1943, transportés vers Drancy puis la Pologne et le sinistre Auschwitz, en juin… Six d’entre eux n’en reviendront pas…

Un livret et un film

Parce qu’elle a « un intérêt particulier pour cette période et un rapport à la Shoah », Patricia Duchadeuil a décidé d’écrire l’histoire de la petite Rachel. « Cela fait trois ans que je suis directrice ici, ajoute-t-elle, quelque chose me disait si tu es là dans cette école, ce n’est pas pour rien. J’ai ressenti quelque chose d’inexplicable et de viscéral… » En 2020, elle la propose à ses élèves de CM2 pour qu’ils se l’approprient. Naîtra un livret d’une trentaine de pages intitulé Rachel, Bernard et Jacques Friedmann : les enfants étoiles de Coligny-Cornet et un film d’une vingtaine de minutes, double hommage à la mémoire de ces anciens élèves disparus et assassinés à Auschwitz.

« Tout le monde a suivi, précise l’enseignante, l’inspection académique, le rectorat, la mairie… Et les élèves aussi bien sûr. Il y avait beaucoup d’émotion. Avant ce projet, on faisait un groupe, maintenant on forme une famille. Des liens se sont créés entre eux. Ils ont compris je crois qu’ils devaient être des passeurs de temps et d’histoire ! »
Ils seront demain de véritables citoyens en somme, libres et responsables face à leur histoire. Sans doute un bien précieux en ce premier quart de siècle où certains ici et là sont à nouveau tentés de réécrire l’Histoire.

Jean-Michel GOUIN

Source lanouvellerepublique