Marcel Hoffmann a reçu à titre posthume la médaille et le diplôme de Juste parmi les nations, lors d’une cérémonie organisée vendredi 26 novembre au Sénat. Ce cheminot, décédé en 1957, a sauvé une quarantaine d’enfants et d’adultes juifs en gare de Lille-Fives, le 11 septembre 1942.
« J’ai réussi de 13 à 23 heures à sauver une quarantaine d’enfants et adultes, qui furent recueillis par des personnes charitables et hébergés durant toute l’occupation allemande… » Ces mots étaient de Marcel Hoffmann, qui s’est vu remettre à titre posthume la médaille et le diplôme de Juste parmi les nations. Le cheminot lillois, décédé en 1957, était représenté par sa fille Monique Pradel, lors d’une cérémonie organisée au Sénat, vendredi 26 novembre. Ce titre, décerné par le mémorial israélien de Yad Vashem, est la plus haute distinction de l’État d’Israël.
« Il est très symbolique que cette cérémonie ait lieu dans un haut lieu de la République. (…). Il n’y a pas de nationalité dans l’héroïsme, il y a simplement une reconnaissance du fait que face aux persécutions, il y a des gens qui se lèvent et des gens qui se couchent, merci à ceux qui se lèvent », a déclaré Roger Karoutchi, premier vice-président du Sénat et président du groupe interparlementaire d’amitié France-Israël.
« Voyez, j’ai un nom allemand »
Marcel Hoffmann a été un des « héros de l’ombre » dans ce que Serge Klarsfeld a qualifié de « plus grand sauvetage de juifs d’une gare française ». Le 11 septembre 1942, plusieurs enfants juifs, dont Jacques et Jean Stulzaft, enfants de marchands lillois, sont transférés à la gare de Lille-Fives, après avoir été arrêtés et emmenés à la Kommandantur à Lille. Parmi les cheminots de cette gare, dont nombreux sont des résistants, se trouve Marcel Hoffmann.
« Le 11 septembre 1942, les Israélites furent ramassés et parqués en gare de Fives sous la surveillance de gendarmes allemands pour être ensuite dirigés vers les camps de la mort. N’écoutant que mon patriotisme et par humanité, je me suis glissé dans ce groupe et, au mépris du danger que j’encourais et des péripéties parfois dangereuses, j’ai usé de ruse », explique Marcel Hoffmann dans un document d’archives.
Le cheminot, alors âgé de 40 ans, parvient à détourner l’attention de la sentinelle en montrant sa carte d’identité : « Voyez, j’ai un nom allemand. » La diversion permet à une quarantaine de jeunes juifs de fuir par la porte d’un bâtiment situé sur le quai de la gare, grâce à l’aide de vingt-quatre autres cheminots. Un point de lumière dans l’histoire sombre de la compagnie ferroviaire, réquisitionnée par l’État français de Vichy à la demande des autorités d’occupation allemandes, pour déporter des milliers de juifs vers les camps de la mort.
Un second sauvetage
Une fois sauvés, les deux frères sont hébergés par une famille de cheminots. Mais Jacques est blessé lors dubombardement du 8 novembre 1942. Opéré à l’hôpital Saint-Sauveur de Lille, le garçon reçoit la visite de Marcel Hoffmann qui comprend très vite que l’infirmière en chef a des soupçons sur l’origine du garçon et risque de le livrer à la Gestapo. Le cheminot lui sauve une seconde fois la vie en le faisant sortir immédiatement de l’hôpital. Dans l’après-guerre, il ira même jusqu’en Allemagne pour ramener les quelques membres de la famille Stulzaft rescapés de l’extermination nazie, rapporte Yad Vashem.
« Je suis très émue d’être là. La France a fait beaucoup pour les juifs après la Seconde Guerre mondiale. Même des années après, le pays a continué à en accueillir de la meilleure façon, y compris des juifs venant des pays arabes », explique Émilie Moatti, vice-présidente de la Knesset et membre du parti travailliste Haavoda, venue assister à la cérémonie à Paris. « C’est important de montrer notre appréciation. »
« C’est une grande émotion, parce qu’on a grandi avec des histoires de Justes parmi les nations et nous savons combien de juifs ont été sauvés grâce à eux, confirme Yomtob Kalfon, député franco-israélien né à Sarcelles. Nous sommes toujours étonnés par ces histoires qui sont découvertes avec un peu retard, et là, cela saute même une génération, la médaille n’étant pas remise au Juste lui-même mais à sa fille », ajoute le parlementaire, membre du parti Yamina du premier ministre Naftali Bennett. « Cela devient des histoires familiales, qui montrent que dans l’horreur et dans les ténèbres vécues en Europe il y a soixante-quinze ans de cela, il y avait des points de lumière. Il suffit d’une petite lumière pour enlever beaucoup d’obscurité, et c’est ce que les Justes symbolisent. »
Au 1er janvier 2021, 27 921 personnes de 51 pays ont reçu la distinction de Juste parmi les Nations pour leur protection apportée à des juifs pendant la Shoah.
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