Figure de la communauté juive des Hauts-de-Seine, l’avocat de 50 ans, connu pour avoir porté la voix des victimes des attentats de Mohamed Merah en 2012 et de l’Hyper Cacher en 2015, a été élu président du Consistoire central de France. Parmi ses chantiers prioritaires, la lutte contre l’antisémitisme.
À l’inauguration du musée Dreyfus, dans les Yvelines, au premier dîner du protestantisme français ou sur les ondes d’Europe 1 pour commenter les propos d’Éric Zemmour. La voix des juifs de France, maître Elie Korchia, inamovible responsable du conseil des communautés juives des Hauts-de-Seine, la porte déjà avec énergie depuis son élection à la présidence du Consistoire central de France, le 24 octobre 2021.
À peine installé à la tête de l’instance suprême de représentation du judaïsme français, l’avocat de 50 ans, père de deux enfants, a été vu partout. Dans les Yvelines, département qui abrite la maison de Zola, en Alsace pour la réhabilitation du cimetière juif de Sarre-Union, puis lors d’une visite officielle dans les Bouches-du-Rhône. Preuve que l’intéressé a pris la pleine mesure du rôle qui sera le sien pour les sept prochaines années. Celui de l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics pour le volet séculier. Preuve aussi que le nouveau président est un homme pressé.
Le premier échelon du judaïsme consistorial, Elie Korchia le gravit à seulement 26 ans. À l’époque, ce fils de pieds-noirs rapatriés d’Algérie en 1962, jeune diplômé de la faculté de droit de Nanterre, devient président de la communauté de Puteaux.
Un successeur « naturel et légitime »
Une fonction occupée avant lui par son père et son grand-père. « Ces exemples ont forcément façonné mon engagement associatif, observe-t-il depuis son bureau parisien de Passy, au cœur du douillet XVIe arrondissement de Paris. Si je n’avais pas eu un père aussi engagé dans la vie de la cité, je n’aurais probablement pas les mêmes responsabilités qu’aujourd’hui. »
Des responsabilités que l’avocat n’a jamais fuies. Administrateur et vice-président du consistoire de Paris, Elie Korchia s’est, au fil des ans, constitué un important réseau. Dans les Hauts-de-Seine où il n’a négligé aucune des 25 communautés mais aussi en province, dans les consistoires régionaux de Lille (Nord), Lyon (Rhône) ou Toulouse (Haute-Garonne) où il a affiné peu à peu ses connaissances des rouages du judaïsme français.
Jusqu’à devenir le 17e président du Consistoire central israélite de France depuis sa création, en 1808, par Napoléon. Une élection sans grande surprise puisque, situation inédite, il était le seul candidat pour succéder à Joël Mergui.
« C’est le successeur naturel et légitime, analyse Michel Cohen Tenoudji, président du consistoire israélite de Marseille (Bouches-du-Rhône). Elie Korchia n’a que 50 ans, mais il a déjà consacré la moitié de sa vie à la communauté. Son implication et son efficacité ne sont plus à démontrer et il connaît par cœur tous les dossiers et les problématiques consistoriales. Pour les responsables régionaux, c’est une joie de l’avoir à la tête du Consistoire central. »
Flatté du consensus qui entoure son élection, Elie Korchia – connu pour sa proximité avec le grand Rabbin de France, Haïm Korsia – assure de son côté avoir été encouragé à devenir le nouveau visage des juifs de France. En clair, il savait, avant même la tenue du scrutin, qu’il n’y aurait pas d’autres prétendants. « Les responsables des grands consistoires régionaux me connaissent depuis longtemps, sourit-il. Ils m’ont fait savoir très tôt qu’ils soutiendraient ma candidature. »
« Mon engagement bénévole et mon rôle d’avocats se sont entrecroisés »
« Il a toujours été apprécié des institutionnels mais la base le connaissait peu, nuance un membre influent de la communauté juive de Neuilly. On l’apercevait lors des fêtes, de l’allumage des lumières, mais en réalité, sa popularité a vraiment bondi après les drames de 2012. »
Une partie de sa notoriété, Elie Korchia, pourtant spécialiste de droit civil, la doit en effet à son activité de pénaliste révélée au grand jour après les attentats de 2012, à Toulouse et Montauban (Tarn-et-Garonne), puis celui de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris, en 2015. Des affaires de terrorisme dans lesquelles, en portant la voix des victimes, l’avocat a incarné la lutte contre l’antisémitisme et par là même, renforcé son image au sein de la communauté juive.
« Disons que mon engagement bénévole et mon rôle d’avocat se sont entrecroisés, glisse-t-il avec pudeur. Je me suis beaucoup investi dans ces affaires. » D’autant que l’avocat connaît personnellement Samuel Sandler, le grand-père de trois des quatre victimes de l’école Ozar Hatorah, abattues par Mohamed Merah. « C’est un ami qui a longtemps présidé la communauté juive de Versailles et j’étais à ses côtés, la veille de l’attentat, rembobine-t-il. Cette attaque dans laquelle lui et son épouse Myriam, ont perdu un fils et deux petits-enfants, c’était l’an zéro du nouveau terrorisme. »
Rien de surprenant, donc, à retrouver la sécurité des juifs de France parmi ses chantiers prioritaires avec la jeunesse et la famille. « C’est l’axe majeur » insiste-t-il toutefois conscient des moyens limités du consistoire dont le budget est estimé à 2 millions d’euros. Mais Elie Korchia sait qu’il pourra compenser. À l’énergie.