Mon oncle Lili, cousin de mon père, tenait une belle épicerie dans un quartier très animé de Marseille, pas loin du vieux port, dans une petite ruelle pleine de commerces de tous genres.
Dans les années 1970, un monsieur d’origine asiatique se présente à sa boutique et fait ses emplettes. Il paie en chèque et là, stupeur de Lili : ce client porte le même nom que lui, Chiche, Émile Chiche! Lili est un peu méfiant, mais Émile semble tout à fait honnête. Lili ouvre son enquête comme seuls les parents tunisiens savent le faire lorsque leur fille ramène le futur gendre à la maison, chkoun omok, chkoun oubouk? / Qui est ta mère, qui est ton père.
« Comment vous vous appelez Chiche? D’où vous venez? » et une enquête digne des meilleurs polars « américano-tunisiens » se poursuit avec ses zones d’ombre et de lumière dans une rue de Marseille. Alors, Émile avec son flegme légendaire, prend tout son temps et raconte qu’il est né en Indochine, qu’il a perdu la trace de son père, qu’il a aussi perdu sa mère et sa petite sœur pendant la guerre et qu’il était donc seul au monde.
Au fil de l’histoire voilà qu’Émile raconte qu’il sait que son père est originaire de Nabeul : la révélation fait l’effet d’une bombe! Lili appelle tata Gilberte à la rescousse pour partager son émotion! Lili est abasourdi, tout ému! Lui aussi est de Nabeul, tous les Chiche de Nabeul étant cousins il s’en découvre un nouveau, et quel cousin : un Cousin Chinois, même s’il n’est pas chinois mais vietnamien.
Émile continue à dérouler le fil de sa vie, je dirai même l’écheveau de sa vie. Son père avait vécu quelques années en Indochine, il avait aimé sa mère et ils avaient eu ensemble 2 enfants, lui et sa petite sœur. Son père les avait reconnus et ils portaient donc le nom de Chiche.
Puis son père avait dû rentrer précipitamment au bercail et quitter définitivement l’Indochine. Sa compagne et ses enfants n’avaient pas pu l’accompagner. Il promit de les faire rapatrier. Mais sa compagne perdit rapidement la vie et sa sœur aussi. Aussitôt rentré à Nabeul son père avait fait des démarches pour rapatrier sa compagne et ses enfants : on lui dit que leurs noms n’apparaissaient plus nul part. Ses longues recherches restèrent infructueuses.
En fait, Émile, citoyen français, seul au monde, orphelin, fut rapatrié, jeune homme, au fin fond de la belle campagne française. Il fut placé pendant quelques années comme commis dans une famille d’agriculteurs, avant de les quitter pour Marseille.
Quelques temps après son départ d’Indochine son père se mariait à Nabeul et il continuait de raconter l’histoire de ses quelques années passées au bout du monde. A Nabeul, il montrait à qui le voulait, les photos jaunies de sa compagne et de ses 2 enfants « chinois ». Mais à Nabeul, personne ne l’avait cru, jurant qu’il avait inventé cette histoire parce qu’il n’avait pas pu avoir d’enfants avec sa nouvelle femme.
Tant et si bien que cette histoire tomba totalement aux oubliettes, mais sûrement pas dans le cœur de son père! Jusqu’au jour où par un incroyable coup de pouce du destin, Émile découvrit alors, qu’il n’était pas seul au monde, qu’il avait des oncles, des tantes, des tas de cousins, cousines, au premier et deuxième degré, bref une famille nombreuse, très nombreuse.
Et voilà que la nouvelle se répandit aussi vite, par la terre et même par-delà les mers. Émile est invité à connaître sa famille, un véritable tourbillon de nouvelles têtes mais Émile était aux anges et il se rendait chez tous ses cousins de bonne grâce et chaque Dimanche après-midi c’étaient de nouvelles émotions et un nouvel enchantement.
Voilà comment en 1973, année de notre mariage, Émile fut invité par mon père à se rendre en Tunisie, lieu de ses racines. Il se rendit aussitôt en pèlerinage, sur la tombe de son père, des retrouvailles d’une intensité rare ! Puis sa famille et lui passèrent l’été avec nous, dans la « jolie maison de plage« . Je vous laisse imaginer leur dépaysement!
Ce fut pour nous un enrichissement de leur culture asiatique de discrétion et de gentillesse et pour eux une découverte incroyable de leur nouvelle culture tunisienne d’hospitalité avec son folklore, sa chaleur, ses youyous et ses couscous. Un nouveau genre de juif tunisien était né. Émile et sa famille avait adoré le couscous au poisson et ses fameuses keftas, boulettes de poisson, que je publie en leur honneur.
Recette des boulettes de poisson
Pour 6 personnes, et je suis sûre que vous doublerez les doses…
500 gr de filets de merlan ou tout autre poisson blanc
2 beaux oignons secs.
2 gousses d’ail.
1/2 baguette de pain, rassis de préférence.
1/2 bouquet de persil.
1/2 bouquet de coriandre.
10 brins d’aneth.
20 feuilles de menthe et un peu de Nana sec.
2 œufs.
Sel, poivre, harissa, paprika
Huile pour friture uniquement.
Hacher le poisson grossièrement
Hacher les oignons, les rincer dans une passoire et bien les presser.
Tremper le pain, prélever la croûte trempée et l’essorer.
Laver les herbes et les couper fin.
Mélanger tous les ingrédients.
Faire des boulettes légèrement aplaties et les faire frire dans une huile chaude jusqu’à ce qu’elles soient bien « bronzées ».
Préparez une sauce avec tomates fraîches, ail, dans un petit fond d’huile. Rajouter un verre d’eau.
Y déposer les boulettes et laisser cuire à feu doux pendant 1/2 heure.
Les boulettes au poisson se congèlent parfaitement.
La recette du couscous au poisson la semaine prochaine…
Une belle aventure qui se termine bien, je connais un peu ce qui est arriver, car moi aussi je me croyais seul, jusqu’a je commence ma généalogie, trop vieux pour prendre contact avec tous ce cousins disperser à travers ce vaste monde, VINCENT n’étant pas celui de ma naissance.