Les Pachtounes sont-ils des descendants d’Israël ?

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Les pratiques pachtounes incluent la circoncision le huitième jour et l’interdiction de mélanger la viande et le lait. Y a-t-il un lien avec les anciens Hébreux ?

Au milieu de son passé mouvementé, l’Afghanistan a longtemps abrité l’un des mystères les plus intrigants de l’histoire juive : le sort de certains des dix tribus perdues d’Israël. Périodiquement au cours des deux dernières décennies, les gros titres des journaux ont soulevé la question de savoir si les tribus pachtounes qui composent le gros des troupes des talibans sont en fait nos parents perdus depuis longtemps, les descendants des Israélites qui ont été jetés en exil par l’empire assyrien il y a plus de 2 700 ans. Bien que cela puisse sembler fantaisiste, un examen rapide de l’histoire suggère qu’elle ne peut et ne doit pas être écartée d’emblée.

Les preuves historiques

Les Pachtounes, ou Pathans, se comptent par dizaines de millions, la plupart vivant au Pakistan, en Afghanistan et en Inde. Ils se composent de plusieurs centaines de clans et de tribus qui ont farouchement préservé leur héritage au milieu des vagues de conquête et d’occupation étrangères. Avant la montée du fondamentalisme islamique dans la région, de nombreux Pachtounes se sont déclarés être ce qu’ils appelaient Bani Israël (Fils d’Israël), une tradition orale que leurs ancêtres ont transmise de génération en génération.

Cela a été noté par divers voyageurs et historiens islamiques, remontant au 13ème siècle, quand il n’y avait rien à gagner en affirmant une ancienne identité israélite en Asie centrale. Au cours des 400 années suivantes, d’autres érudits et écrivains islamiques ont noté la persistance de la tradition. Au 19ème siècle, un certain nombre d’Occidentaux qui ont visité la région sont revenus convaincus que les Pachtounes étaient en fait les descendants des Israélites.

Dans son ouvrage de 1858, Histoire des Afghans, Joseph-Pierre Ferrier écrit que le chef d’une des principales tribus pachtounes, les Yusefzai (Fils de Joseph), a remis au shah persan Nader Shah Afshar « une Bible écrite en hébreu et plusieurs autres objets qui avaient servi à leur ancien culte et qu’ils avaient conservés ».

Plus récemment, le défunt président d’Israël, Its’hak Ben-Zvi, dans son étude de 1957 sur les communautés juives éloignées Les exilés et les rachetés, a consacré un chapitre entier aux « tribus afghanes et aux traditions de leur origine ».

Se basant sur des recherches universitaires, ainsi que sur des entretiens qu’il a menés avec de nombreux Juifs afghans qui ont fait leur aliya dans les années 1950, Ben-Zvi a écrit : « Les tribus afghanes, parmi lesquelles les Juifs ont vécu pendant des générations, sont des musulmans qui basent leurs traditions sur leur descendance des dix tribus« . S’il note prudemment que «les preuves en notre possession sont, bien entendu, insuffisantes pour en tirer des conclusions pratiques», il affirme néanmoins à juste titre : « le fait que cette tradition, et aucune autre, ait persisté parmi ces tribus est en soi un élément de poids. »

Les recherches modernes

Les savants modernes ont considérablement enrichi nos connaissances sur ce sujet. Le Dr Navraz Aafreedi, un universitaire indien de Calcutta d’origine pachtoune, a beaucoup écrit sur les preuves d’une ascendance israélite des Patchounes, et le Dr Eyal Be’eri, le principal universitaire israélien sur les Pachtounes, a enregistré une série de leurs coutumes et traditions identiques à celles des Juifs.

Celles-ci incluent des pratiques telles que circoncire les enfants le huitième jour après leur naissance, s’abstenir de mélanger la viande et le lait, allumer des bougies la veille du sabbat et même le lévirat (obligation imposée au frère d’un défunt d’épouser la veuve sans enfants de celui-ci).

Bien que les études d’ADN aient fourni des preuves limitées pour étayer ces affirmations, un article de 2017 dans la revue Mitochondrial DNA a révélé qu’il existait « une connexion génétique entre la population juive et la tribu Khattak », l’un des clans pachtounes. Et bien que les talibans aient beaucoup fait pour effacer toute trace de leur histoire préislamique, la tradition refuse de mourir. Comme l’anthropologue de l’Université hébraïque, le Dr Shalva Weil, l’a noté à propos du lien des Pachtounes avec les tribus perdues d’Israël, « il y a des preuves plus convaincantes » à leur sujet qu’au sujet de n’importe quel autre peuple ou peuplade.

Cette fascinante curiosité historique, cependant, ne doit pas nous aveugler sur le fait que les talibans sont viscéralement anti-israéliens et qu’aucun Pachtoune n’est connu pour avoir montré un quelconque intérêt public à revenir à ses racines juives. Comme l’a soutenu le Dr Be’eri, même si les Pachtounes sont biologiquement et historiquement liés au peuple d’Israël, cela ne signifie pas que « demain, ils se convertiront au judaïsme et viendront vivre en Terre d’Israël ». Le simple fait de parler de « conversion et migration massives de millions de Pachtounes d’Afghanistan et d’Inde vers l’État d’Israël », a-t-il écrit, pourrait nuire aux perspectives de renforcement de la coopération et de la compréhension régionales.

Il existe, bien sûr, d’autres théories concernant les origines des Pachtounes qui rejettent l’affirmation d’une ancienne judéité. Mais étant donné la civilisation ancienne des Pachtounes, leur grande diaspora, et leur rôle politique et démographique clé dans diverses parties du sous-continent asiatique, il semblerait prudent pour le peuple juif de rechercher des voies de dialogue avec eux si et chaque fois que cela est possible. La simple possibilité d’une identité historique partagée pourrait servir de base à une discussion entre Juifs et Pachtounes, conduire à un affaiblissement de l’hostilité et de la suspicion et peut-être jeter les bases d’une relation plus forte à l’avenir.

À la lumière de leur théologie fanatique, les talibans ne sont bien sûr pas les bons interlocuteurs. Mais il y a beaucoup d’autres Pachtounes dans le monde avec qui nous devrions chercher à construire des ponts, que l’on pense ou non qu’ils sont nos cousins perdus depuis longtemps.

Line Tubiana avec jpost