Impliqués dans l’immense arnaque au chômage partiel, plusieurs membres d’une même famille ont été interpellés alors qu’ils tentaient de fuir en Israël, où d’autres on été arrêtés.
Au cœur de la nuit, dans un bel appartement de Pantin (Seine-Saint-Denis), Dan J. réveille sa femme et ses deux enfants, boucle quelques valises et prend la route. Ce mardi soir, le Franco-israélien de 30 ans vient de constater que tous ses comptes bancaires avaient été vidés et gelés. À 2 heures du matin, la famille prend la direction de la Suisse pour attraper un avion pour Tel-Aviv (Israël). Dan J. ne le sait pas, mais les gendarmes de l’Office central de lutte contre le travail illégal et de la section de recherches de Toulouse (Haute-Garonne) le suivent à la trace depuis plusieurs jours. Lorsqu’il arrive au péage de Replonges (Ain), un comité d’accueil lui tombe dessus. Dan J. et sa femme sont interpellés. Quelques heures plus tard, à Paris, ses parents et sa sœur sont à leur tour placés en garde à vue.
Ce vendredi, Dan J., sa femme et son père ont été mis en examen notamment pour escroquerie en bande organisée, blanchiment, association de malfaiteurs et recel de biens dans le cadre d’une information judiciaire ouverte en janvier par la Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), selon une source judiciaire. Dan J. et son père dorment en prison. La famille J. est suspectée d’avoir joué un rôle de premier plan dans la retentissante escroquerie au chômage partiel. À eux seuls, Dan J. et ses proches auraient détourné plus de 11 millions d’euros d’argent public destiné à aider les entreprises pendant la crise du Covid-19. L’enquête a établi que la famille avait tenté de spolier plus de 40 millions d’euros d’aides publiques au total.
Dans un box appartenant au père de famille, les gendarmes ont saisi 1,7 million d’euros en cash, des montres de luxe d’une valeur de 230 000 euros, ainsi que des bijoux en or et en diamant. 750 000 dollars (plus de 630 000 euros) ont par ailleurs été bloqués sur un compte bancaire. Les gendarmes ont aussi mis au jour, avec l’aide d’Europol, un circuit perfectionné de blanchiment via des cryptomonnaies…
Retour un an en arrière. Le 16 mars 2020, la population est confinée, les entreprises fermées. « Le dispositif de chômage partiel sera massivement élargi », promet Emmanuel Macron. Deux mois plus tard, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) d’Occitanie détecte une première fraude. À Limoges (Haute-Vienne), l’organisme relève 1 200 demandes suspectes. Le phénomène s’avère national, la faille détectée par les escrocs juteuse. Ces pros de l’arnaque usurpent l’identité de petites entreprises et demandent à toucher le chômage partiel au nom de ces sociétés… mais c’est sur leurs comptes qu’ils font virer l’argent. Urgence économique oblige, les contrôles sont rares et l’argent transféré presque sans vérification par l’État. L’arnaque devient tentaculaire. Quand le parquet de Paris reprend la main sur l’ensemble des procédures, le montant total des aides indûment demandées se monte à 182 millions d’euros ! L’État parvient à stopper l’hémorragie et les virements, mais 53 millions sont déjà loin.
«Excellente coopération» avec la police israélienne
Dans cette combine, Dan J. aurait servi de « logisticien de luxe » d’un des groupes criminels. Il aurait ainsi réclamé le chômage partiel au nom de 3 600 entreprises usurpées. Il est aussi suspecté d’avoir supervisé l’ouverture par des « mules bancaires » de dizaines de comptes utilisés pour faire virer les indemnités en France avant leur départ pour l’étranger, où l’argent devient beaucoup plus difficile à tracer. En travaillant sur ces comptes, les gendarmes ont pu éviter la fuite de 3 millions d’euros vers l’étranger… et identifier Dan J. Pendant des semaines, le jeune homme et son entourage, suspecté de l’aider à cacher l’argent, sont épiés par l’OCLTI et la SR de Toulouse qui confirment leurs suspicions et le trouble rôle de Dan J.
Les autorités israéliennes sont avisées et prennent le relais lorsque le père de famille se rend dans l’Etat hébreu, où il dispose de nombreux contacts et d’un pied à terre. Ce mercredi, en même temps que l’interpellation de Dan J., un proche du père de famille a d’ailleurs été interpellé et auditionné en Israël avant d’être relâché. À Netanya, dans un « call center » utilisée par l’organisation pour monter ses arnaques, les policiers israéliens ont aussi saisi une forte somme d’argent ainsi que du matériel informatique de haute technologie.
L’ambassade d’Israël se félicite de « l’excellente coopération entre les services de polices des deux pays. Cette collaboration a permis l’arrestation, la condamnation et l’extradition de nombreux criminels ces dernières années. » Mais cette enquête n’est pas terminée pour autant. Homme de premier plan du réseau, Dan J. ne fait sans doute pas partie des concepteurs de l’arnaque, qui sont susceptibles de se trouver en Israël et d’être impliqués dans d’autres fraudes au chômage partiel…