Pour le spécialiste des questions palestiniennes, Khaled Abu Toameh, le Hamas et le Djihad islamique veulent « montrer à leurs électeurs qu’ils défendent al-Aqsa ». Il regrette ces nouvelles tensions, qui fragilisent les relations entre Arabes et Juifs israéliens.
Israël et la Palestine sont en proie, depuis lundi, aux hostilités les plus intenses depuis sept ans. Déclenchées durant le wee-kend par des émeutes sur l’esplanade des Mosquées, le troisième lieu saint de l’islam et le site le plus sacré du judaïsme, ces tensions ont donné lieu à des tirs de roquettes par le Hamas et le Djihad islamique sur Israël et des représailles de l’armée israélienne contre des objectifs militaires à Gaza. L’ONU craint « une guerre à grande échelle ». Pour Khaled Abu Toameh, un journaliste arabe israélien spécialisé dans les questions palestiniennes, un cessez-le-feu est possible à court terme.
« Ceci me rappelle la seconde intifada en 2000, l’intifada d’al-Aqsa. J’étais là quand Sharon a visité le mont du Temple, cela a duré quelques minutes. Après, le Hamas a dit que les Juifs allaient détruire la mosquée d’al-Aqsa. Les gens l’ont cru, et c’est devenu l’intifada pour sauver al-Aqsa. Quatre mille Palestiniens et plus de mille Juifs sont morts », explique Khaled Abu Toameh. « C’est la même stratégie aujourd’hui. Ils utilisent la mosquée d’al-Aqsa pour provoquer la haine, et ce sont les Palestiniens et les Israéliens qui en paient le prix« , poursuit-il.
Khaled Abu Toameh, né de mère palestinienne, couvre le conflit israélo-palestinien depuis 39 ans. « Il y a une répétition constante. Ceux qui suivent la rhétorique du Hamas et de l’Autorité palestinienne savaient qu’on allait à la confrontation. Mahmoud Abbas cherchait une opportunité pour annuler les élections palestiniennes« , ajoute-t-il.
Le président de l’Autorité palestinienne a annulé fin avril les élections prévues le 22 mai, en affirmant qu’Israël n’avait pas autorisé les Palestiniens à voter à Jérusalem Est. « Cela n’aurait rien changé au résultat. Seuls 6.000 électeurs étaient concernés, ils pouvaient se rendre dans des bureaux de vote très proches, en zone palestinienne », poursuit-il. « La plus grande peur d’Abbas était de perdre les élections face au Hamas. Son parti, le Fatah, divisé en deux factions, aurait perdu. »
Une question de propriété foncière
Les tensions ont éclaté suite à une question de propriété foncière portant sur le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem Est, où vivent des familles palestiniennes menacées d’expulsion au profit de colons israéliens. L’affaire est en cours devant la Cour suprême israélienne. Des manifestations ont lieu régulièrement dans ce quartier depuis deux semaines.
Pour Khaled Abu Toameh, ces tensions ne devraient pas durer. « Je suis certain qu’il y aura un cessez-le-feu dans quelques jours, ou la semaine prochaine. Le Hamas et le Djihad le veulent. Ils ont subi de lourdes pertes et ils ont atteint leur but, tirer des roquettes sur Jérusalem pour montrer à leurs électeurs qu’ils défendent la mosquée d’al-Aqsa. »
Cela ne devrait rien changer au conflit, qui dure depuis des années. « Il n’existe toujours pas d’accord dans le monde arabe pour l’existence d’Israël. Mon inquiétude est qu’ils fassent entrer les Arabes israéliens dans leur lutte. »
« La pandémie nous avait rapprochés »
« Il faut éviter les généralisations. La plupart des arabes israéliens ne soutiennent pas les émeutes, certains ont même reproché aux émeutiers de ne pas respecter le ramadan et les commerçants« , dit-il.
« Les relations entre Arabes et Juifs israéliens commençaient à s’arranger ces dernières années. La pandémie nous avait rapprochés », dit-il. « Il y a une volonté du Hamas et de l’Autorité palestinienne de détruire les relations entre Arabes et Juifs israéliens. Nous soutenons les Palestiniens, mais ils ne doivent pas franchir la ligne rouge. »
CV Express
Né en 1963 d’un père arabe et d’une mère arabe palestinienne, Khaled Abu Toameh est diplômé de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Producteur et consultant pour NBC News depuis 1989. Il a réalisé des documentaires pour la BBC et Channel 4.
Journaliste pour le Jerusalem Post depuis 2002.
Il a remporté plusieurs prix journalistiques, dont celui du Hudson Institute pour le courage en journalisme.