Un homme, rabbin au sein de la communauté ultraorthodoxe de Jérusalem depuis des années, est accusé d’être en réalité un missionnaire chrétien venu du New Jersey. Il aurait, pendant toutes ces années, cherché à convertir ses ouailles au christianisme.
C’est un scénario digne d’un film, à mi-chemin entre la BD Soda de Tome et Gazotti (dans laquelle un policier new-yorkais se fait passer pour un pasteur pour ménager sa mère cardiaque) et Les aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury. Cette histoire-là se passe à Jérusalem, et c’est la presse juive israélienne qui s’en est fait l’écho. Un rabbin, appartenant avec sa famille à la communauté juive ultraorthodoxe depuis des années, est accusé d’être en réalité un missionnaire chrétien venant du New Jersey. Il aurait cherché, pendant toutes ces années, à convertir ses coreligionnaires de l’intérieur.
D’après Behadrei Haredim, le média juif ultraorthodoxe qui a été le premier à rapporter l’information, tout aurait éclaté le dimanche 25 avril, dans le quartier de la Giva Hatsarfatit (Colline française). La fille de 13 ans du rabbin aurait déclaré à un camarade de classe que « Jésus accepte tout le monde, même s’ils ont tort », ce qui a provoqué l’émoi dans cette petite communauté où tout le monde se connaît… et ce qui a encouragé l’association Beyneynu, qui surveille les activités des missionnaires chrétiens en Israël, à révéler des informations qu’elle collectait sur la famille du « rabbin » depuis « au moins sept ans », a annoncé Shannon Nussan, enquêtrice pour l’association Beyneynu, à la presse locale. « Nous avons finalement décidé de le démasquer parce que ses enfants commençaient à faire du prosélytisme à l’école », a précisé l’enquêtrice.
Un couple originaire du New Jersey
Pendant des années, l’homme, dont l’identité n’a pas été révélée, se serait présenté comme cohen (prêtre) et travaillé comme scribe et mohel (personne pratiquant les circoncisions). Il portait les habits traditionnels, célébrait des mariages… Tout en incorporant dans ses prises de parole des éléments du christianisme. Sur les réseaux sociaux, la femme du rabbin, décédée en 2020 et enterrée dans un cimetière juif, promouvait la foi juive tout en faisant régulièrement allusion au Christ dans ses posts. Elle aurait également déclaré à tort être la fille d’une survivante de la Shoah.
L’homme, qui nie toute accusation en affirmant être né juif, serait en fait originaire d’une famille américaine non-juive du New Jersey, sur la côte est des États-Unis. D’après les enquêteurs, le père du « rabbin », décédé et enterré dans un cimetière non-juif, aurait été de son vivant membre d’une Église évangélique mennonite. Selon l’association, l’homme accusé et sa famille auraient falsifié des documents prouvant leur judéité, dans le but d’immigrer en Israël en vertu de la Loi du retour, qui permet à tout juif d’immigrer en Israël.
Une micro-société basée sur l’entraide
À la suite de ces accusations, la chaîne de télévision israélienne Channel 13 a retrouvé et diffusé des extraits de 2011 montrant le missionnaire chrétien parlant à la télévision américaine de Jésus comme étant le Messie. En réponse, l’homme a avoué à la presse locale avoir été missionnaire à un moment de sa vie, et s’être repenti. Ce que l’association Beyneynu réfute : en 2014, l’organisation aurait confronté la famille, qui aurait ensuite disparu des radars avant de réapparaître dans un autre quartier, se forgeant une nouvelle vie.
La nouvelle a choqué beaucoup des membres de la communauté ultraorthodoxe, microcosme à part du reste de la société israélienne, où la solidarité et l’entraide sont au centre des relations de voisinage. Pendant des années, les habitants du quartier avaient subvenu aux besoins de la famille, payé leurs courses, le transport scolaire et mis en place une aide financière au « faux rabbin » et à sa famille après le décès de la mère.
Le prosélytisme, une menace
En Israël, la conversion des juifs est parfois vue comme une menace contre la survie du groupe religieux, notamment dans la petite communauté ultraorthodoxe. Si le prosélytisme n’est pas interdit en Israël, il est cependant étroitement surveillé par les autorités. Il est notamment interdit de prêcher à des mineurs sans le consentement de leurs parents, ou d’offrir de l’argent ou des cadeaux en échange d’une conversion. « Nous sommes certains que les dirigeants juifs prendront des mesures strictes contre cette menace et instaureront rapidement des mesures de protection pour garantir la sécurité de la communauté juive », a déclaré l’association Beyneynu à la presse locale.
Le gouvernement israélien a été critiqué au niveau national pour ses relations étroites avec les organisations évangéliques aux États-Unis. Certains de ces groupes soutiennent le pays à la fois politiquement et avec des fonds en raison de la conviction qu’une présence juive à travers la Terre sainte aidera à accomplir une prophétie biblique apocalyptique.