La propriétaire a fait volte-face à deux jours de signer le compromis qui sauvait cette école inclusive, menacée d’expulsion par l’Œuvre d’utilité publique qui en détient les murs. Le désarroi des familles s’exprimera en justice
C’est un revirement que n’imaginaient ni les familles, ni l’équipe pédagogique, ni l’Office de gestion de l’enseignement catholique (OGEC), engagé depuis l’automne dans une négociation et un dialogue, par avocats interposés, qui semblaient sur les rails.
Un revirement de dernière minute
À l’école des Saints-Anges (XVe), établissement cocon réputé pour sa bienveillance et ses méthodes d’inclusion d’ élèves dits « différents », le stress et l’inquiétude ont resurgi à quelques jours d’une signature libératrice, qui devait concrétiser le sauvetage et la pérennisation de l’école. La mobilisation des parents des 360 écoliers de l’établissement de la rue de Vouillé (XVe), une pétition de 15 000 signatures, la négociation délicate mais résolue avec la propriétaire de l’immeuble, héritière de l’Œuvre de bienfaisance laïque des Saints-Anges (OSA), avaient abouti en décembre à ce qu’elle accepte l’offre d’achat du lieu par le diocèse de Paris, via l’association de soutien aux établissements catholiques parisiens (AESP).
Las, la solution idéale a fait long feu : quelques jours avant la signature du compromis de vente, pour un prix supérieur à l’estimation d’experts, sous l’égide d’un administrateur judiciaire, l’héritière a signifié son refus. Pire, le jugement d’expulsion prononcé en mai dernier, mais jusqu’alors non parvenu à l’école, a été notifié en bonne et due forme le mois dernier. Une façon de confirmer la volonté d’expulsion de l’école, et d’en lancer le compte à rebours.
Les parents contre-attaquent en justice
Cueillis par ce revirement sans explication, ni les parents ni les acteurs de la « négociation » mise en sommeil n’ont l’intention de plier. Les premiers viennent d’adresser une lettre ouverte à la baronne de Saint-Didier et au conseil d’administration de l’OSA, exprimant leur incompréhension. « Les parents interrogent en particulier la cohérence de la gouvernance d’une œuvre d’utilité publique qui clame ne pas avoir les moyens de subsister mais qui, pour l’heure, refuse de conclure un accord qui permettrait une issue favorable pour tous. » Mais à l’inquiétude pour leurs enfants se greffent désormais la colère et la volonté d’entrer dans la bataille : celle-ci sera judiciaire, avec l’assignation en justice de l’OSA, par les parents.
La procédure n’est pas courante et motive déjà près de 150 familles, lésées par les atermoiements et surtout l’attitude de la propriétaire. « On ne joue plus », prévient avec amertume un parent, « le préjudice de stress, d’inquiétude et d’incertitude que nous subissons, avec nos enfants, est immense, nous sommes pris en étau mais nous ne nous laisserons pas faire ». Les dommages et intérêts réclamés pourraient frôler les 2 millions d’euros. « Le premier objectif de cette procédure est d’obtenir des éclaircissements sur cette rupture, les parents y sont légitimes, en particulier ceux d’enfants handicapés, qui ne sont pas sûrs de trouver ailleurs de telles conditions d’inclusivité, explique Me Agnès Lebatteux-Simon, l’avocate des parents. Il y a urgence à obtenir des réponses, sinon nous en tirerons les conséquences. »
« Il n’est pas question de préparer les cartons »
Tombés de l’armoire eux aussi, alors qu’ils se félicitaient d’un dialogue apaisé et d’un compromis proche, les responsables de l’OGEC réaffirment leur détermination et l’espoir que les avocats reprennent la négociation. Quoiqu’il advienne, « l’année 2021-2022 sera assurée », précise Benoît Hérard, le président de l’OGEC, mais l’objectif est bien de boucler la boucle comme elle était prévue. « Nous avions trouvé un accord, qui était de plus avantageux pour l’OSA, alors cette volte-face sans raison, à deux jours de la signature, et le silence qui perdure depuis lors, sont évidemment inquiétants, souligne-t-il. Nous sommes passés par des montagnes russes et ce dossier n’est vraiment pas simple, mais nous ne lâcherons pas, et nous ne sommes pas seuls. Il n’est pas question de préparer les cartons ». Malgré nos nouvelles sollicitations, la présidente de l’OSA n’a pas donné suite à nos demandes.