La Grèce a pris ce printemps la présidence de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste. A Thessalonique, autrefois surnommée la Jérusalem des Balkans, la population commence à faire face à son passé douloureux.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité des juifs de Thessalonique, soit 50 000 personnes, a trouvé la mort dans les camps d’extermination nazis.
A l’Université de la ville, un mémorial rappelle que le campus a été construit sur l’ancien cimetière juif, l’un des plus anciens et plus grands d’Europe. Plus de 350 000 tombes ont été totalement détruites durant l’occupation nazie par les collabos grecs chrétiens. Une des explications, selon le directeur du musée juif de la ville Evangelos Cheikoglou, est purement économique.
« Le prix des matériaux de construction était très cher, on en manquait. Deux briques d’occasion valaient le prix d’un journée de travail. Beaucoup de documents dans les archives parlent des demandes des institutions de la ville pour réclamer les briques et les pierres tombales du cimetière », explique-t-il dans un reportage de l’émission Tout un monde.
Travail de mémoire
Encore maintenant dans la ville, des cours de maison ou des trottoirs sont pavés avec les pierres tombales juives. Pour l’écrivain Leon Nar, on ne peut pas revenir en arrière, mais on peut faire un travail de mémoire.
« Moi je crois en la mémoire publique, que ces plaques tombales soient exposées à l’Université ou dans d’autres endroits de la ville pour rappeler qu’il y avait un cimetière vandalisé et pillé. Je crois que la mémoire d’après à plus de valeur. Elle permet aux gens de se connecter à ce qu’était la ville avant », indique-t-il.
Processus compliqué
L’historienne Rena Mollhoqui a pour sa part un regard plus dur sur le passé: « Ce qui arrive à Thessalonique, c’est l’assassinat de la mémoire. Pour la population c’est très difficile, même pour les jeunes, de se réconcilier avec le passé de la ville d’un seul coup alors que pendant 70 ans le silence a régné. Cela fait tout juste dix ans que les choses ont avancé. » De l’aveu commun, le travail de mémoire a été enclenché grâce à l’ancien maire indépendant de Thessalonique, Yiannis Boutaris. Un musée de l’Holocauste va être construit dans la ville.
« La plaie ne sera jamais guérie »
« Une des raisons pour lesquelles ce musée doit être fait, ce sont toutes ces plaques et autres anciennes reliques qu’il faut réunir pour raviver la mémoire et renforcer l’identité de la présence juive dans cette ville. La catastrophe est si grande que la plaie ne sera jamais guérie. Elle ne s’arrêtera pas de faire mal mais elle pourra se cicatriser », déclare l’ancien maire.
Ce musée devrait être fini dans sept ans et va combler les très grandes lacunes de l’enseignement grec sur la Shoah, expliquer le mécanisme de haine et faire en sorte que cela ne se reproduise pas.
Mais ce travail de mémoire a ses limites: la place Eleftéria où ont été réunis les juifs de la ville avant leur déportation sera transformée en parking et non en parc de la mémoire comme il en avait été question.
Angélique Kourounis