L’économie américaine chauffée à blanc par sa sortie de la crise du Covid-19

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Reprise du trafic aérien, hausse du moral des ménages, soutenu par les mesures de relance et par la vaccination massive de la population… l’économie, qui devrait croître de 6,5 % en 2021, accélère.

Ce sera la fin d’une époque : le 1er mai, Delta Airlines ne laissera plus libre le siège du milieu dans ses avions. La compagnie aérienne américaine a estimé que cette précaution contre la propagation du Covid-19, qu’elle était quasiment seule à prendre, était inutile, avec la vaccination massive des Américains et le retour de la confiance. Ainsi l’économie revient-elle à la normalité aux Etats-Unis. Les aéroports sont de nouveau occupés et les prix des billets s’envolent. Après avoir reculé de 62 % en 2020, le trafic aérien rebondit, même s’il reste encore en retrait d’environ 40 % par rapport à 2019.

Les touristes internationaux et les voyages d’affaires ne sont pas revenus, mais les Américains veulent rendre visite à leurs parents et partir en vacances là ou c’est possible : pas l’Europe, ni l’Asie ou le Canada, mais les Caraïbes, Cancun au Mexique, ou les montagnes Rocheuses. La prime va aux destinations « vaccinées » : American Airlines a lancé deux vols directs pour Tel-Aviv, à partir de New York et Miami. Ce recentrage sur les particuliers favorise les compagnies à bas coûts, qui lèvent des capitaux en s’introduisant en Bourse, telles Frontier Airlines et Sun Country Airlines.

Le taux d’occupation des hôtels est quant à lui remonté à 50 %, après un plus bas en octobre 2020. Même si on est loin des 65 % d’avant-crise, les signes sont positifs : à New York, le Mandarin Oriental a rouvert, tandis que le Peninsula le fera début juin. Signe des temps, Wall Street s’intéresse au secteur : les groupes financiers Blackstone et Starwood ont racheté la chaîne hôtelière Extended Stay America pour 6 milliards de dollars (5,1 milliards d’euros), tandis que deux groupes d’investisseurs se battent pour reprendre le géant de la location automobile Hertz, qui s’était mis en mai sous la protection de la loi sur les faillites.

Le moral est revenu

Les New-Yorkais ont été 1,9 million à prendre le métro début mars. C’est moins que les 5,5 millions d’avant la pandémie, mais les rames désertes des mois de crise font partie du passé. Disneyland a rouvert à Los Angeles, tandis que Las Vegas rêve de nouvelles « roaring twenties », des années folles après une année blanche. L’économie américaine va croître d’environ 6,5 %, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), deux fois plus qu’escompté en décembre 2020, en raison d’une économie dopée aux plans de relance et à l’argent gratuit, et du progrès de la vaccination (30 % de la population a reçu au moins une dose).

Le moral des Américains, dont la majorité reçoit du fisc des chèques individuels de 2 000 dollars, est revenu : l’indice de confiance des consommateurs a bondi de 90,4 en février à 109,7 en mars, avec les progrès de la vaccination et le plan de relance de Joe Biden. On est encore en dessous du niveau de février 2020 (132,6), mais ce rebond est de bon augure pour les achats de biens durables, qui engagent l’avenir.

C’est le cas dans l’automobile. Les constructeurs auront réalisé un premier trimestre en hausse de 8 % par rapport à l’année précédente (mars 2020 avait déjà été impacté par la crise) et le rythme des ventes en mars devrait avoir retrouvé son rythme pré-crise (16,5 millions de véhicules en rythme annuel). Le redressement a été ralenti par la pénurie mondiale de microprocesseurs et le coup de froid au Texas, en février, qui a retardé la production de matériaux plastique.

D’une manière générale, les Etats-Unis passent de la récession à la surchauffe, avec des goulets d’étranglement : la demande des consommateurs est là, mais les capacités ne sont pas revenues. Ainsi, les ports du sud de la Californie, par lesquels transite le tiers des exportations américaines, sont devenus un gigantesque embouteillage. Les cargos jettent l’ancre au large de Los Angeles et de Long Beach.

Selon un reportage publié le mercredi 31 mars par le Wall Street Journal, 24 cargos patientaient en début de semaine, ce qui est inhabituel. L’un attendait depuis douze jours pour décharger. L’arrivée des navires de commerce avait augmenté en février de 30 %, et le nombre de conteneurs a crû de moitié en un an. Deux raisons : les entreprises redémarrent, reconstituent leurs stocks, et les Américains consomment, tandis que les docks ne fonctionnaient pas à pleine capacité en raison du Covid-19.

Les coûts s’en ressentent

L’industrie pétrolière renaît également. Les cours du brut sont remontés (61 dollars le baril du West Texas Intermediate), les forages aussi. Signe des temps, les émissions de méthane, qui ont un effet décuplé par rapport au CO2 sur l’effet de serre, avaient retrouvé leur niveau prépandémique dans le bassin permien du Texas, en janvier, révélait le Financial Times, le 30 mars. Les Américains reprennent le volant et le prix du gallon d’essence est désormais de l’ordre de 2,85 dollars, soit une hausse de 40 % sur un an, tandis que la consommation avait retrouvé dès janvier 80 % de son niveau d’avant-crise.

Dans ce contexte, les agriculteurs producteurs de maïs sont ravis : 40 % de leur production sert à produire de l’éthanol. Les cours se sont envolés de moitié en un an, dépassant les 5,74 dollars le boisseau en février. L’année 2020 avait été cataclysmique, avec un tiers des 200 usines américaines d’éthanol fermées. Les « farmers » tirent aussi bénéfice des activités de la Chine, qui a acheté massivement leurs produits en vertu de l’armistice commercial signé un an plus tôt avec Donald Trump, mais aussi à cause d’une épidémie de fièvre porcine en Afrique qui a conduit à une rupture d’approvisionnement.

Globalement, le prix des matières premières s’envole. C’est le cas notamment du bois de construction, dont le prix est trois fois plus élevé que la normale. Avec la pandémie, les Américains se sont rués pour faire construire leur maison individuelle. Les permis de construire sont accordés au même rythme qu’en 2006, juste avant que n’éclate la crise financiaro-immobilière de 2008. Les coûts s’en ressentent.

Selon la National Association of Home Builders, le coût de construction d’une maison moyenne a ainsi augmenté de 24 000 dollars, celui d’un appartement de 9 000 dollars. Le prix du bois entraîne aussi une hausse du prix des serviettes en papier et essuie-mains. Kimberly-Clark a annoncé des hausses de prix au consommateur fin juin, comprises entre 5 % et 10 %.

La Réserve fédérale, la banque centrale américaine, persiste à ne pas voir de résurgence durable de l’inflation, qui n’était que de 1,7 % en février, même si une hausse ponctuelle des prix est à attendre, en raison de l’effet comparaison avec le creux de la crise et la fringale de consommation américaine. La Bourse, elle, ne s’inquiète pas réellement. L’indice S&P 500, reflet des grandes entreprises américaines, a fini sur un record historique jeudi 1er avril, au-dessus des 4 000 points.

Source lemonde