Le président de l’État hébreu, en visite officielle à Paris, expose la position d’Israël sur la décision du procureur de la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête sur des accusations de crimes de guerre imputés, notamment, à l’armée israélienne à Gaza en 2014.
Ma rencontre avec Monsieur le président Macron ce jeudi ne sera pas seulement une rencontre entre deux amis, mais également une rencontre entre chefs de deux États qui entretiennent des relations bilatérales profondes et sincères. Nos pays coopèrent sur un large éventail de questions, notamment dans les domaines sécuritaires, de lutte contre le terrorisme, mais aussi scientifiques, technologiques, culturels et universitaires. La France et Israël partagent également des valeurs fondamentales qui guident nos deux pays ainsi que l’ensemble du monde démocratique: la liberté, l’égalité, la justice, le pluralisme et la tolérance.
C’est en ayant à l’esprit la force et la solidité des relations entre nos deux pays que je partagerai avec mon ami le président Emmanuel Macron un sujet qui préoccupe profondément Israël. Les amis peuvent parfois être en désaccord. Cependant je pense que les valeurs qui nous unissent sont suffisamment fortes pour que nous puissions écouter et comprendre nos positions, motivations et décisions respectives.
La décision du procureur de la Cour pénale internationale d’enquêter sur Israël pour de possibles crimes de guerre représente une application tronquée du droit international. Un tribunal créé pour enquêter sur les crimes les plus graves est en effet aujourd’hui utilisé comme une arme politique. C’est une décision qui est moralement et légalement erronée.
Comme il est déclaré par les prophètes, «Sion ne pourra être sauvé que par la justice» (Esaïe 1:27). Ainsi, le droit international et la justice ont toujours été au cœur de la vision du monde du peuple juif. Les Juifs prirent part à la création d’un système encadrant le droit international. Les Juifs et les Israéliens, motivés par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, furent aussi à l’avant-garde de la création des différents organes juridiques internationaux, y compris la Cour pénale internationale. Nous sommes profondément attachés à l’idée fondamentale que les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l’humanité ne puissent jamais rester impunis à cause de systèmes juridiques nationaux qui refusent ou ne sont pas en mesure de poursuivre leurs auteurs.
Mais ce n’est pas le cas d’Israël. Nous avons déjà prouvé que nous étions complètement disposés à enquêter sur nos propres forces militaires lorsqu’elles font l’objet d’accusations, et nous avons la capacité de le faire.
Pour nous, il ne s’agit pas d’une question juridique abstraite. Les soldats et les civils sur lesquels la Cour pénale internationale menace d’enquêter sont nos enfants et petits-enfants, nos voisins et amis. Nous ferons tout notre possible pour les protéger, tout comme ils nous ont protégés lorsque nous le leur avons demandé. En parallèle, nous continuerons à fonctionner selon les normes les plus strictes du droit international, et ce, même lorsque cela exige de nous de prendre des décisions douloureuses.
Si nous voulons que le droit international continue de jouer pleinement son rôle pour garantir la paix et la justice, nous devons le protéger face à deux défis.
Le premier est la tentative de politiser le droit international, comme nous le constatons avec la Cour pénale internationale. Nous avons déjà observé les dommages causés à d’autres organes internationaux – comme le Conseil des droits de l’homme de l’ONU par exemple – par ceux qui cherchent à les exploiter à des fins politiques. Soyez assurés que ceux qui sacrifient les droits de l’homme à des fins politiques feront de même avec le droit international. Nous devons rester vigilants et unis afin de les en empêcher.
Par ailleurs, dans la réalité des conflits asymétriques modernes, des États comme Israël, qui respectent le droit international, sont mis en difficulté par des organisations terroristes cyniques qui cachent militants et armes au cœur des zones civiles. Le droit international doit non seulement se prononcer sur les actes que les belligérants ne sont pas autorisés à entreprendre, mais aussi sur ceux, qu’un État qui veut protéger la vie de ses civils, a le droit d’accomplir.
Le droit international ne peut pas équivaloir à un pacte suicidaire. C’est un dilemme auquel d’autres États démocratiques, dont la France, seront confrontés dans leur lutte contre le terrorisme à travers le monde. La position de la Cour pénale internationale sur les conflits asymétriques pourrait ainsi limiter la capacité même des démocraties libérales à se défendre.
L’une des conséquences les plus regrettables de la décision de la Cour pénale internationale est peut-être qu’il sera maintenant encore plus difficile pour Israéliens et Palestiniens de trouver un terrain d’entente. Tant que l’enquête de la Cour ne sera pas achevée, ce qui pourrait prendre plusieurs années, il est difficile d’imaginer les deux parties s’engager dans des négociations sérieuses. Alors que les récents accords entre Israël et les pays arabes rendaient la perspective de tels progrès enfin à portée de main, cette décision fait faire marche arrière au processus de paix. J’appelle les amis d’Israël et des Palestiniens, en France et à l’étranger, à déclarer clairement, une fois pour toutes, que la route pour la paix passe directement entre Jérusalem et Ramallah. Les détours par la Cour pénale internationale à La Haye et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève sont contre-productifs pour la paix et sapent les chances d’un accord.