Le nom de Jacques ou Jacob Wiener ne vous dit peut-être rien si vous n’êtes pas numismate (la numismatique, c’est la science des pièces de monnaies et des médailles). L’homme a pourtant eu un rôle important dans la jeune Belgique du 19e siècle.
Graveur de pièces et de médailles donc, c’est aussi à lui que l’on doit le tout premier timbre émis dans notre pays. Mais il a également eu une grande influence dans la communauté juive de Belgique. C’est pourquoi le Musée Juif de Bruxelles l’a mis à l’honneur en acquérant une plaque commémorative signée du célèbre sculpteur Van der Stappen.
L’homme derrière le timbre
Jacob (francisé Jacques) Wiener est issu d’une famille juive originaire de Hongrie. Né en Allemagne en 1815, sa famille s’installe aux Pays-Bas durant son enfance. La défaite de Napoléon, à Waterloo, et le redéploiement des frontières qui s’ensuit, cause beaucoup de mouvements de population en Europe. Aîné de huit enfants, il se forme à la gravure chez son oncle, à Aix-la-Chappelle, alors qu’il n’a que treize ans. En 1840, avec ses frères Charles et Léopold (qui donnera son nom à la place Wiener, bien connue à Watermael-Boitsfort), également graveurs, il débarque à Bruxelles en 1840, après avoir parachevé sa formation à Paris.
Très vite, Jacob gagne une grande réputation dans la gravure des médailles, dans le tout jeune Etat belge. Ses spécialités : les monuments d’Europe, et les portraits de souverains. Il réalisera quantité de médailles représentant le Panthéon de Paris, Sainte-Sophie d’Istanbul, le dôme de Pise, les cathédrales de Cologne, de Reims ou Saint-Paul de Londres. Certaines de ses gravures sont encore aujourd’hui utilisées sur les petites pièces que les touristes peuvent acheter en souvenir.
Grâce à ses portraits de souverains, Wiener décroche, en 1848, un nouveau contrat d’importance. Il doit graver le modèle qui servira à la composition du premier timbre-poste belge. Il en assure le dessin, et confie sa gravure proprement dite à John Henri Robinson, célèbre graveur britannique.
Sur le timbre qu’ils réalisent, on peut voir Léopold Ier en habit militaire, avec ses épaulettes en évidence. Le surnom du timbre deviendra donc « Epaulettes« . Ce n’est pas seulement le premier timbre belge, c’est surtout le tout premier timbre émis sur le continent européen, qui succède ainsi à l’Angleterre, pionnière en matière postale.
Durant 16 ans, Wiener dirige presque toutes les opérations de fabrication des timbres belges. Mais perdant peu à peu la vue, notamment à cause des loupes qu’il doit employer pour voir les détails de ses réalisations, il prend définitivement sa retraite en 1874. Il meurt en 1899, et est enterré au cimetière d’Ixelles.
Une plaque en sa mémoire
On l’a dit, Wiener fut très actif au sein de la communauté juive de Bruxelles. Vice-président du Consistoire Central Israélite de Belgique (CCIB), organe qui représente encore aujourd’hui le judaïsme dans le pays, il en devient président de 1884 à sa mort. 1899. Il fut également président de la Communauté israélite de Bruxelles en 1879.
Vu l’importance du personnage à son époque, les hommages ne tardent pas à se multiplier. Au 19e siècle, on est très friands de statues, de bustes et de plaques commémoratives en honneur d’hommes illustres (rarement de femmes…).
C’est le sculpteur Pierre-Charles Van der Stappen qui est chargé de la réalisation de cette plaque en mémoire de Wiener. Collaborateur de Constantin Meunier et de Victor Horta, il jouit d’une bonne renommée dans le milieu artistique de son temps.
On ne semble pas réellement savoir ce qu’il est arrivé à cette plaque commémorative durant les décennies qu’elle a vécu. C’est presque un coup du sort qui permet au Musée Juif de Belgique de l’acquérir auprès d’un antiquaire du quartier du Sablon, où se trouve justement le musée. C’est en effet grâce à des recherches pour réaliser une copie du buste de Jonathan Bischoffsheim, autre membre éminent de la communauté juive de l’époque, qui se trouve devant la maison communale de Watermael-Boitsfort, que le responsable des collections du musée est mis en contact avec l’antiquaire. Bischoffsheim et Wiener ont tous deux été présidents du CCIB, l’implication du Musée Juif de Belgique pour la perpétuation de leur mémoire semble donc bien naturelle.
Le musée est ouvert !
Le Musée Juif de Belgique est ouvert, sur réservation, le vendredi de 10h à 17h, et le week-end de 10h à 18h.
Pour réserver votre visite, rendez-vous en ligne.
Johan Rennotte