Y aurait-il en France un vrai réveil face à l’antisémitisme?

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Miss Provence, April Benayoun, a été victime d’un torrent d’injures antisémites sur les réseaux sociaux quand elle a déclaré que son père était israélien. Les réactions ont été vives et nombreuses.

April Benayoun a subi une attaque en règle sur les réseaux sociaux quand elle a révélé ses origines, un père israélien. Comme d’habitude les antisémites de tous poils de sont réveillés au quart de tour et les insultes ont surgi, antisémitisme violent et nauséabond. Mais est-ce que le phénomène est nouveau? Certainement pas! Ces injures antisémites et/ou antisionistes sont récurrentes depuis des années. Ce qui est nouveau, ce que l’on commence à percevoir quand l’antisémitisme se déchaîne sur les réseaux ou dans la réalité, ce sont les réactions des médias et de la classe politique.

Ainsi, il n’y a pas si longtemps, quand un juif était agressé physiquement, on trouvait des informations au pire, uniquement sur les médias juifs, et souvent pas tous, au mieux sur quelques médias nationaux, dont, il faut le dire, sur Le Parisien, qui a toujours eu une couverture exceptionnelle de tous ces « incidents » antisémites.

Le premier chroniqueur national à oser crier haut et fort ce qui se passait, ce qui nous rendait malades, celui qui a rompu l’omerta, a été à mon avis Bruno Roger-Petit dans son excellent article de juillet 2014, « Manif pro-Gaza : faut-il cacher ces démonstrations antisémites que l’on ne saurait voir ?« . Il avait osé dénoncer l’antisémitisme flagrant d’une bonne partie des manifestants pro palestiniens, et de la complaisance honteuse de la gauche française. Jusque-là, c’était simple : la gauche ne pouvait pas être antisémite, c’était l’apanage de la droite, point-barre.

C’est comme si un bouchon avait sauté. Lentement, très lentement, les politiques ont commencé à prendre conscience, à se rendre compte que l’on pouvait sans honte dénoncer l’antisémitisme d’où qu’il vienne.

En 2015, on aurait pu imaginer que les massacres de Charlie et l’Hyper Casher auraient fait prendre conscience à la France de l’horreur de ces « idéologies » islamistes. Je suis Charlie. Oui, mais je suis convaincue que si les assassins ne s’en étaient pris qu’aux juifs de Vincennes, il n’y aurait eu dans la rue que quelques juifs, comme quand Merah a assassiné des juifs à Toulouse. Novembre 2015 : assassinats en masse du Bataclan, et les gens assommés, comprennent que ça peut toucher tout le monde.

Un second coup de tonnerre salvateur dans l’univers de la bien-pensance a été l’affaire Meklat en février 2017. Comment un chroniqueur adulé par cette gauche détentrice de la vérité et de la bonne parole avait-il pu déblatérer toutes ces horreurs? Tout simplement parce que tout le monde s’en foutait, blagounettes antisémites, ce n’est pas grave, mais ça a pété et le mec a dégagé de l’univers des médias.

Puis tout s’enchaîne très vite. Deux mois plus tard Sarah Halimi est assassinée. Un an plus tard, c’est Mirelle Knoll qui est la victime du même fléau : encore et encore l’antisémitisme. Mais à ce moment-là, on sent, on sait que la France n’est plus la terre bénie de ces tarés d’antisémites. La communauté juive s’est toujours battue, avec le soutien plus ou moins visible et efficace de ses institutions, mais on sent que la bataille n’est plus une bataille solitaire.

Un homme ou une femme politique s’oublie et fait une déclaration que l’on peut raisonnablement taxer d’antisémitisme : il ou elle en prend plein la tête, et est bien souvent contraint à des excuses. Des raclures s’en prennent physiquement à des juifs : on voit que les forces de l’ordre font très vite le nécessaire pour les arrêter. La haine vient des réseaux sociaux : tout le monde réagit, soutient la victime, et les coupables sont recherchés sur le net aussi.

Alors que penser de tout ça, de cette très lente évolution de l’attitude des médias et de la classe politique, qui, il n’y a même pas 10 ans se foutaient comme de l’an quarante de la tuerie de Toulouse, et donnait la parole à tous ceux qui voulaient décrire Merah comme « un bon garçon »? C’est un progrès que nous devons surveiller, une flamme que nous ne devons pas laisser s’éteindre, et nous devons garder à l’esprit que demain peut-être il y aura un autre homme politique important pour parler de « français innocents » si une balle rate un juif. Mais surtout, nous ne devons pas écouter les sirènes dont le chant se voudrait enchanteur, et que je ne peux quant à moi ne taxer que de racoleur, qu’il vienne de l’extrême droite ou de l’extrême gauche.

Line Tubiana