S’il n’est pas nouveau, ce phénomène suit une tendance amplifiée par la politique du président américain au cours de ces dernières années.
70 % des Israéliens seraient favorables à une réélection du président Donald Trump lors de la présidentielle américaine qui doit se tenir mardi, contre seulement 21 % qui souhaiteraient la victoire du candidat démocrate, Joe Biden, selon un récent sondage de l’institut de politique étrangère régionale Mitvim. Loin de cette vague de soutien massif, 75 % des juifs américains s’apprêtent, eux, à voter en faveur de l’ancien vice-président Joe Biden, contre seulement 22 % pour Donald Trump, selon un récent sondage commandé par l’American Jewish Committee ayant recueilli l’opinion de plus de 1 300 personnes.
S’il n’est pas nouveau, ce miroir inversé en dit long sur l’évolution du rapport entre la diaspora juive américaine et l’État hébreu. Le soutien massif des juifs américains au camp démocrate n’est pas nouveau. Il poursuit l’alignement traditionnel de cette communauté qui s’explique notamment via deux facteurs : une distance vis-à-vis du discours religieux et une vision plus critique vis-à-vis de la politique israélienne.
Les juifs américains pro démocrates pointent également du doigt les contradictions de Donald Trump qui, en flirtant avec l’extrême droite évangéliste, flirte également avec certains milieux antisémites – rappelant ainsi que l’amitié Trump-Netanyahu (le Premier ministre israélien) fait l’impasse sur un aspect important des fondements idéologiques du président actuel.
Pour majoritaire, ce soutien n’est pas homogène. Les juifs orthodoxes, qui composent plus de 10 % de la communauté juive américaine, se démarquent par exemple en soutenant Donald Trump. L’analyse plus détaillée du sondage révèle, outre le penchant démocrate, une polarisation de la communauté juive américaine qui s’est, par exemple, manifestée lors d’affrontements entre des manifestants juifs pro-Trump et anti-Trump à Manhattan. « Déçue par le soutien de certains juifs à Donald Trump. Quelle partie de Tikkoun Olam invite à soutenir cet amas de mensonges, de cupidité et divisions ? Honte », s’indigne une internaute sur son compte Twitter.
Cadeaux sans concessions
Côté israélien, le soutien au président Trump est prévisible. Il consacre plusieurs années d’une politique qui a multiplié les cadeaux, sans concessions, à l’État hébreu : déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnaissance du Golan occupé, « deal du siècle », politique inflexible face à l’Iran, rôle d’entremetteur avec les États du Golfe… Un lien présenté comme indéfectible, régulièrement mis en scène par l’amitié personnelle qui unit le président américain au Premier ministre israélien – quitte à ébrécher les relations de ce dernier avec le camp démocrate.
Si la rupture de l’opinion juive américaine avec le camp républicain n’est pas nouvelle, elle semble de plus en plus marquée. En 2020, l’écart en faveur de Joe Biden s’est creusé au fil des mois jusqu’à atteindre son apogée lors du dernier sondage. En septembre, un sondage attribuait 67 % des voix juives américaines au candidat démocrate, contre 30 % pour Donald Trump.
Malgré ce divorce, une victoire du candidat Biden ne se traduirait pas par un changement majeur de politique vis-à-vis d’Israël. Sur le site internet du démocrate, une section dédiée aux « juifs américains pour Biden » donne le ton : « Le vice-président s’est positionné de manière continue en solidarité avec Israël, et s’est engagé dans le combat contre l’antisémitisme ainsi que pour une justice sociale. »
En dépit de la présence d’une frange minoritaire au sein du Parti démocrate plus critique vis-à-vis de Tel-Aviv, l’Amérique de Joe Biden ne serait donc pas moins proche d’Israël, pas plus qu’elle n’est susceptible de revenir sur la décision de déplacer l’ambassade à Jérusalem, comme l’a confirmé Joe Biden. Si ce dernier est plus susceptible que son rival de mettre sous perfusion la solution à deux États afin, notamment, d’éviter une mort clinique de l’embryon d’État palestinien, il est très peu probable que cela dépasse les déclarations de principe ou les gestes symboliques tels que le rétablissement de la participation financière américaine à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), suspendue en 2018 dans un contexte de tension entre Washington et l’Autorité palestinienne.
Le vote de l’électorat juif américain n’est donc pas en mesure de bouleverser les choix de politique étrangère à venir. Mais en se positionnant ouvertement en faveur des républicains, le gouvernement Netanyahu, et avec lui une partie de l’opinion israélienne, interrompt une tradition bipartisane du gouvernement et du Congrès selon laquelle l’amitié entre les deux pays se place au-dessus des clivages politiques. C’est peut-être là, et dans l’extrême personnification de l’amitié Trump-Netanyahu, que se situe la véritable rupture.