«Jour de honte» du Labour après un rapport sévère sur l’antisémitisme du parti

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Le document épingle en détail la complaisance de la formation sous la direction de Jeremy Corbyn (2015-2019). L’ancien leader travailliste a été suspendu après avoir tenté de minimiser les conclusions de l’enquête.

La controverse sur l’antisémitisme au sein du Parti travailliste a mené jeudi 29 octobre à la spectaculaire suspension de son ancien leader, Jeremy Corbyn. Keir Starmer, son successeur, qui a fait de ce dossier une priorité, a pris cette décision après la publication d’un rapport officiel dévastateur, qui épingle les hésitations et la complaisance du parti dans sa lutte contre l’antisémitisme quand M. Corbyn le dirigeait, entre 2015 et 2019.

L’enquête a été menée par la Commission des droits de l’homme et de l’égalité (EHRC), un organisme officiel créé en 2007 au Royaume-Uni. Ses conclusions sont brutales pour le Labour. Elles relèvent des « actes illégaux de harcèlement et de discrimination dont le Parti travailliste est responsable ». Elles parlent « d’années d’échec à lutter contre l’antisémitisme » sous la direction de M. Corbyn, et de son « manque de leadership » dans ce domaine.

Visage fermé, ton martial, M. Starmer s’est voulu sans ambiguïté : « C’est un jour de honte pour le Labour. » Il précise « accepter dans son intégralité [le rapport], sans aucune limite ». « Si vous êtes antisémite, vous n’avez rien à faire dans ce parti. Et si après toute cette douleur, toute cette peine, il y en a encore qui pensent que le sujet est exagéré, vous aussi faites partie du problème et vous ne devriez pas être dans ce parti », a-t-il conclu.

Corbyn se dit « choqué et déçu »

Initialement, M. Starmer a pourtant évité de s’en prendre directement à son prédécesseur. L’EHRC parle d’un « échec collectif de la direction » travailliste, qui ne relève pas d’un seul homme. Mais deux heures plus tard, l’ancien leader a accordé un entretien aux médias britanniques, minimisant la portée du rapport. Bien sûr, dit-il, « un antisémite dans le parti est un antisémite de trop ». Mais il nuance : « [Leur] nombre a été exagéré. Un sondage indiquait l’an dernier que le grand public estimait qu’un tiers des travaillistes étaient suspects d’antisémitisme. La réalité était que 0,3 % des membres du parti ont eu une plainte contre eux. »

Pour M. Starmer, qui venait de tenir un discours ne voulant laisser aucun doute, c’en était trop. Il a immédiatement suspendu son prédécesseur. Une possible exclusion sera débattue ultérieurement. « Je suis choqué et déçu », a répliqué M. Corbyn, 71 ans, rappelant avoir été membre du Labour « toute sa vie ».

Le Parti travailliste traîne ces accusations de complaisance envers l’antisémitisme depuis 2015, peu après que M. Corbyn en a pris la tête. A l’extrême gauche, des sympathisants pro-palestiniens et vivement opposés à la politique du gouvernement israélien tombent parfois dans cette dérive. Mais plutôt que de condamner clairement ces propos, M. Corbyn et son entourage sont accusés d’avoir fermé les yeux, laissant se développer une atmosphère toxique. « Sous sa direction, l’antisémitisme a été autorisé à se répandre d’une frange vers le centre », accuse Margaret Hodge, une députée qui dirige le Mouvement juif du parti travailliste.

Dans son enquête, l’EHRC revient sur le cas de la députée Naz Shah, qui a publié en 2016 sur les réseaux sociaux deux images : l’une suggérait qu’Israël soit déplacé aux Etats-Unis, avec le commentaire « problème résolu » ; l’autre « semblait comparer la politique israélienne à celle d’Hitler ». Plutôt que de condamner ces publications, Ken Livingstone, alors membre de la direction du Parti travailliste, et proche de M. Corbyn, est venu à la défense de l’élue, accusant « le lobby israélien » de mener une campagne de diffamation.

Soixante-dix accusations examinées

L’incident n’était pas isolé. L’EHRC a passé en revue soixante-dix accusations d’antisémitisme contre des membres du Parti travailliste, dont cinquante-neuf venaient de messages sur les réseaux sociaux. Certains minimisaient l’importance de l’Holocauste, d’autres exprimaient leur soutien à Hitler, d’autres encore évoquaient des « complots » menés par la famille Rothschild ou le « pouvoir juif »… Il était question des « Zio », un terme insultant dérivé du « sionisme » ou de « chasse aux sorcières » menée contre le parti travailliste.

Dans son enquête, l’EHRC épingle l’extrême lenteur du processus de plainte, particulièrement les trois premières années de la direction de M. Corbyn. Elle souligne aussi son caractère aléatoire. Certains travaillistes ont été suspendus du parti sans que jamais les accusations qui pesaient contre eux ne leur soient dévoilées. De même, à vingt-trois reprises au moins, sur les soixante-dix cas étudiés, la direction du parti est intervenue directement dans le processus, au lieu de laisser faire la commission d’enquête interne.

Politiquement, cette bataille est une façon pour M. Starmer de tourner la page de l’ère Corbyn. Beaucoup moins à gauche (et donc pas antisémite), pro-européen, le nouveau leader incarne un courant qui était dominant jusqu’à l’arrivée surprise de M. Corbyn à la tête du parti. Pour être tout à fait clair, le nouveau dirigeant du Parti travailliste, en poste depuis avril, avait fait inscrire devant lui jeudi un slogan : « Un nouveau leadership ».

Source lemonde

1 Comment

  1. Bonjour,
    Ce n’est un secret pour personne, Corbyn ne nous a jamais aimer, il en avait le droit, mais il est aller au-delà et c’est la faute qu’il n’aurait pas dû faire.
    Il semblerait que le Monde est en train de changer, ce serait une bonne nouvelle !
    Belle fin de journée.

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