À Rouen, 28 Stolpersteine dans les rues, en mémoire des victimes du nazisme

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Vingt-huit pavés ont été installés à Rouen en mémoire des familles juives déportées dans des camps d’extermination lors de la Seconde Guerre mondiale.

On en compte 50 000 en Allemagne, 75 000 dans toute l’Europe et depuis peu 28 à Rouen et 11 à Sotteville-lès-Rouen. Des pavés de béton, des Stolpersteine recouverts d’une plaque de laiton qui honorent la mémoire d’une victime du nazisme. « Nous avons choisi de rendre hommage aux familles juives déportées avec enfants. Notamment dans un souci pédagogique, pour parler de victimes qui ont l’âge des enfants scolarisés », explique Corinne Bouillot, maître de conférences à l’institut d’allemand de l’Université de Rouen et membre du collectif à l’origine de l’association Pavés de mémoire Rouen Métropole.

Trois grandes rafles

Une individualisation de l’horreur de la Shoah puisque chaque pavé, scellé devant le dernier domicile de la victime, est gravé par l’artiste Gunter Denning de son nom, de la date de son arrestation, de la date de déportation, de celle de sa mort…

Un devoir de mémoire d’autant plus important qu’à Rouen, 67 % des juifs recensés en janvier 1942 ont été assassinés dans les camps d’extermination quand la moyenne française se situe aux alentours de 25 %. « Il y a eu trois grandes rafles à Rouen : le 6 mai 1942, en octobre 1942 et la plus importante, le 15 janvier 1943 », détaille Françoise Bottois, professeur d’histoire-géographie à la retraite et auteur d’un livre consacré à la Shoah à Rouen. « L’administration française, et notamment le préfet Parmentier, proche du Parti populaire français de Doriot et antisémite, anticipait les ordres des Allemands et spoliait les juifs », poursuit l’historienne qui prépare une deuxième édition de son livre. En 1943, comme à Bordeaux, la communauté juive avait pratiquement disparu à Rouen.

Des familles décimées

Une photo de la famille, en plein bonheur (Collection Philippe Ettinger).

Les sourires d’une famille unie, celle de Nathan Ettinger et de son épouse Hantza. De leurs sept enfants aussi : Lisa, Henri, Jacques, Albert, Ida, Odette et Maurice. En 1942, l’aînée a 28 ans, le petit dernier seulement 14 ans. Les recherches effectuées par Françoise Bottois ont permis d’en savoir plus sur le funeste destin des Ettinger. Lors de la rafle du 6 mai 1942, qui vise les juifs âgés de 18 à 54 ans, Nathan, son frère Pinkus, et ses fils aînés sont arrêtés à leur domicile. Envoyés à Drancy, ils sont déportés le 22 juin vers Auschwitz où ils sont assassinés. En octobre, c’est sa femme, sa fille Ida et Maurice qui sont arrêtés à leur tour. Ils sont déportés en février 1943, également vers Auschwitz. En janvier 1943, Lisa et Odette sont arrêtées lors de la troisième rafle, destinée pour les SS à « liquider le département de ses juifs ».

Elles sont déportées dans le même convoi que leur mère, frère et sœur. Les 39 pavés posés cet automne correspondent au destin funeste de huit familles. L’an prochain, au printemps, 38 nouveaux pavés de mémoire seront scellés sur les trottoirs rouennais.

Source paris-normandie