Deux jeunes français sur dix affirment avoir déjà observé un ou plusieurs élèves remettre en cause un aspect du génocide des juifs lors d’un cours, selon un sondage Ifop pour « Le Journal du dimanche » et l’Union des étudiants juifs de France.
Près de 9 Français sur 10 (87%) âgés entre 15 et 24 ans ont déjà entendu parler de la Shoah, selon un sondage réalisé par l’Ifop pour Le Journal du dimanche (article payant) et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Cette enquête, nommée « Le Regard des jeunes sur la Shoah« , revient sur les représentations et la transmission de l’histoire du génocide des juifs, et dessine un horizon parfois troublé par des phénomènes de concurrence mémorielle. Elle est publiée dimanche 13 septembre, à l’occasion de la cérémonie du souvenir en mémoire des déportés et des victimes de la Shoah, diffusée sur France 2.
Des progrès sur les connaissances historiques
Quelque 80% des sondés disent avoir acquis des connaissances sur le génocide des juifs à l’école, pendant les cours. Ils sont 33% à citer les films ou les livres, et 14% les musées ou le cadre familial. “On peut se féliciter des progrès faits au sein de la société sur la connaissance de la Shoah”, commente Noémie Madar, présidente de l’UEJF contactée par franceinfo. Quelque 68% des jeunes sondés assurent connaître la rafle du Vel’ d’Hiv, contre 58% dans une autre enquête menée en 2012 dans toutes les catégories d’âge.
Pour autant, les cours ne se passent pas toujours dans de bonnes conditions. Remise en cause de certains aspects du génocide (évoquée par 21% des jeunes interrogés), refus de cet enseignement (13%)… Quelque 11% des sondés affirment même que le professeur d’histoire est dans l’impossibilité d’enseigner cette période de l’histoire. “Lors d’interventions dans des classes, nous avons déjà été confrontés à des propos très virulents d’élèves, commente Noémie Madar. Quand ils sont confrontés à cet antisémitisme du quotidien, on imagine mal comment des élèves juifs peuvent rester dans ces classes.”
Des interrogations sur la place des autres crimes et génocides
La question de la concurrence victimaire affleure également au cours de l’enquête. Dans l’absolu, 11% des jeunes interrogés estiment que la Shoah est trop enseignée dans les programmes scolaires (64% suffisamment). Mais ils sont 42% à penser que « la Shoah est trop abordée dans les programmes scolaires au détriment d’autres aspects historiques tels que la guerre d’Algérie ou la traite négrière ». Ce sentiment s’exprime davantage chez les sympathisants de la France insoumise (60%) et chez les jeunes se présentant comme musulmans (73%). « Il y a tout un discours politique qui assure qu’il faudrait parler moins de la Shoah pour parler davantage d’autres génocides, mais ça ne fonctionne pas comme ça. », pour
Une telle idée, qui repose sur un modèle de vases communicants, entraîne selon Noémie Madar, des « conséquences chez d’autres personnes qui revendiquent [la mémoire] d’autres crimes ». Selon elle, ce n’est donc « pas tant la Shoah en tant que telle qui fait débat, puisque la majorité des sondés la reconnaissent comme un crime monstrueux et estiment qu’elle doit être enseignée. La plupart des résultats sont d’ailleurs élevés. » En revanche, la situation diffère quand il s’agit de relativiser le génocide, sur fond de concurrence des mémoires.
Des propos négationnistes disponibles sur la toile
Le sondage dévoile également l’influence des propos négationnistes sur les plateformes de vidéos en ligne et les réseaux sociaux. Ainsi, près d’un jeune interrogé sur trois (29%) affirme avoir déjà lu ou visionné un contenu remettant en cause l’existence de la Shoah (avec un pic chez les sympathisants du RN, 52%). Au sein de ce panel déjà exposé au révisionnisme, plus de la moitié (57%) des sondés disent avoir consulté une ou plusieurs vidéos sur YouTube, 40% sur Facebook, 14% sur Instagram et 11% sur un site internet. « Même si certains comptes ont été récemment supprimés, YouTube a encore un travail important à mener. » pour
Autre enseignement de l’enquête : les propos négationnistes ne font pas l’objet d’un consensus, loin de là. Quelque 65% des sondés se sentent plus proches de l’affirmation selon laquelle les propos négationnistes « doivent être considérés comme des délits et être sanctionnés pénalement« . A l’inverse, 35% des jeunes interrogés penchent davantage pour l’affirmation selon laquelle les propos négationnistes « relèvent de la liberté d’expression« et doivent en conséquence « être considérés comme des opinions politiques« . Une tendance inquiétante aux yeux de Noémie Madar. Si « le propre d’une opinion politique est d’être remise en cause et débattue », il n’en va pas de même pour les faits historiques, souligne-t-elle : « On ne pense pas à remettre en cause la prise de la Bastille. »
L’enquête a été menée du 4 au 9 septembre par questionnaire auto-administré auprès d’un échantillon de 802 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 à 24 ans.