Origine de l’explosion à Beyrouth : un cargo russe délabré interdit d’accoster

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En 2013, parti de Géorgie pour rejoindre le Mozambique, le Rhosus a fait escale dans la capitale libanaise pour y récupérer du matériel de chantier. Mais les autorités portuaires libanaises lui ont interdit de repartir et finiront, au terme d’un imbroglio judiciaire, par décharger ses 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium.

C’est l’histoire d’un bateau appartenant à un homme d’affaires russe et battant pavillon moldave, qui a quitté le port de Batumi, en Géorgie en 2013 en direction de Biera, au Mozambique. Un cargo nommé le Rhosus, qui n’est jamais arrivé à bon port, et aurait fini dans les profondeurs du port de Beyrouth. C’est sa cargaison qui a, en toute vraisemblance, explosé mardi , faisant au moins 145 morts et 5.000 blessés et dévastant une partie de la capitale libanaise.

Si les autorités n’ont pas explicitement fait le lien entre le bateau et l’explosion, elles ont pointé le stockage sans précaution de 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium. Précisément ce qui a été déchargé du Rhosus en 2014 dans un hangar du port de Beyrouth, qu’il n’a jamais quitté.

Pour comprendre l’origine du drame de mardi, il faut remonter à l’automne 2013. Le Rhosus, propriété de l’homme d’affaires Igor Gretchouchkine, a quitté la Géorgie le 23 septembre. A son bord, du nitrate d’ammonium vendu, selon l’agence Reuters , par le fabricant d’engrais géorgien Rustavi Azot au groupe mozambicain Fabrica de Explosivos. D’après le « New York Times », le bateau est vieux – entre 30 et 40 ans -, en mauvais état, des brèches laissent entrer de l’eau, et une mutinerie éclate au début du voyage à propos de salaires impayés.

L’équipage bloqué onze mois

Le Rhosus ne devait pas faire escale à Beyrouth. Mais le capitaine du bateau Boris Prokochev raconte aujourd’hui à plusieurs médias qu’Igor Gretchouchkine l’a appelé pour lui demander d’y récupérer du matériel de chantier à livrer en Jordanie. Il manquerait d’argent pour payer le passage du canal de Suez.

Plusieurs médias évoquent également des problèmes techniques à bord du bateau qui l’obligent à faire escale. Ce qui est certain, c’est qu’une fois à Beyrouth, les autorités portuaires interdisent au bateau de repartir après l’avoir inspecté. Quant au matériel de chantier, le capitaine avait de toute façon refusé de les transporter. Mal arrimés, ils ont endommagé les portes des soutes et auraient pu mettre en danger le bateau, racontent le maître d’équipage et le capitaine à Reuters.

C’est alors le début d’un long imbroglio juridique et diplomatique. Les autorités libanaises exigent des redevances portuaires au propriétaire, Igor Gretchouchkine. Lequel ne répond plus aux appels et semble avoir abandonné le bateau, qui est immobilisé par les Libanais. Sur les 10 membres d’équipage, quatre sont contraints de rester à bord, dont le capitaine. En attendant le paiement des redevances portuaires, les autorités libanaises acceptent de leur livrer de la nourriture, se souvient le capitaine. L’attente durera 11 mois.

Ce n’est qu’une fois l’ensemble de l’équipage parti, mi-2014, que le nitrate d’ammonium est déchargé. « En raison des risques liés au maintien du nitrate d’ammonium à bord du navire, les autorités portuaires ont déchargé la cargaison dans les entrepôts du port », expliquent les avocats de l’équipage dans « The Arrest News », une publication spécialisée, l’année suivante.

Elle est placée dans le hangar numéro 12, consacré aux marchandises saisies. Pourquoi une cargaison aussi dangereuse est-elle restée six longues années stockées sans précaution dans le port de la capitale libanaise ? Les autorités du port, les services des douanes et des services de sécurité se rejettent aujourd’hui la responsabilité.

Alertes des douanes

Le directeur du port de Beyrouth affirme à la télévision libanaise OTV, cité par CNN, que ses services n’ont fait qu’exécuter une décision de justice, sans savoir que les matériaux stockés étaient si dangereux.

La direction des douanes s’est empressée pour sa part de montrer aux médias des documents montrant qu’elle avait averti au moins à six reprises la justice entre 2014 et 2017 des risques liés à la présence de nitrate d’ammonium dans le port. Elle propose notamment que la cargaison soit livrée à l’armée libanaise. Sans obtenir de réponse.

D’après l’AFP, des plaintes répétées sur des odeurs qui émanaient du hangar ont poussé la sûreté de l’Etat, un des plus hauts organismes de sécurité au Liban, à lancer une enquête sur la cargaison en juin 2019. L’enquête signale « des matières dangereuses qu’il est nécessaire de déplacer » mais aussi des fissures dans l’entrepôt à colmater. Des ouvriers étaient justement en train d’effectuer des travaux de soudure dans un hangar, quelques heures avant le drame. Ces travaux, selon des sources de sécurité et plusieurs médias, pourraient avoir été à l’origine du drame.

Quant au Rhosus, laissé à l’abandon après son déchargement, il aurait coulé il y a plusieurs années dans le port de Beyrouth, a affirmé le capitaine à plusieurs médias. Au « New York Times », il confie que son unique source d’étonnement est qu’il n’ait pas coulé plus tôt.

Source lesechos

1 Comment

  1. C’est a peu près l’histoire, mais pourquoi livré à l’armée Libanaise ? ce n’était pas de l’engrais à proprement parlé quand même.

Les commentaires sont fermés.