Ce texte, paru au « Journal officiel » fin mai, prévoit que la victime informe par voie d’huissier son conjoint ou ex de la procédure ouverte à son encontre dans un délai de vingt-quatre heures « à peine de caducité de la requête ».
En quelques jours, un décret du gouvernement visant à agir sur les violences au sein de la famille a réussi à faire l’unanimité contre lui. Paru au Journal officiel le 27 mai et passé dans un premier temps inaperçu, en plein contexte de déconfinement, il s’adresse aux professionnels de la justice (magistrats, directeurs des services de greffe, greffiers, huissiers de justice, avocats) ainsi qu’aux particuliers concernés par les violences intrafamiliales.
Le décret complète les dispositions d’une loi adoptée peu après la clôture du Grenelle contre les violences conjugales. Elle porte notamment sur les ordonnances de protection, un outil à l’efficacité saluée mais encore insuffisamment utilisé. Délivré par les juges aux affaires familiales, il permet de mettre à l’abri les femmes victimes de violences et de statuer sur les mesures relatives aux enfants et au logement, sans qu’un dépôt de plainte soit nécessaire.
Porté par le député du Lot Aurélien Pradié (Les Républicains), le texte voté en décembre 2019 prévoyait de réduire les délais d’attribution des ordonnances de protection à six jours à compter de la date de fixation de l’audience, contre une quarantaine jusque-là. Une tentative de mieux répondre à l’urgence de certaines situations saluée à l’époque, bien qu’elle ne comporte pas d’aspect contraignant.
Or, le décret paru le 27 mai « sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice » introduit un autre délai dans le dispositif, assorti, lui, de conséquences considérables. Il prévoit, en effet, que la victime informe, à ses frais, par voie d’huissier, son conjoint ou ex de la procédure ouverte à son encontre, dans un délai de vingt-quatre heures, « à peine de caducité de la requête », son annulation donc. « Un recul stupéfiant » des avancées législatives en matière de protection des victimes dont s’indignent plusieurs associations de défense des victimes. Dans un communiqué commun envoyé lundi, plusieurs d’entre elles, dont la Fondation des femmes et la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), demandent « en urgence la suppression de ce nouveau délai qui met les femmes en danger et rend les procédures impossibles à tenir ».
« Mise en danger »
C’est « une sanction incompréhensible pour les femmes », estime Françoise Brié, directrice générale de la FNSF, dont le réseau d’associations accompagne et héberge les victimes de violences conjugales sur tout le territoire. « Beaucoup de raisons peuvent conduire à dépasser ces délais, ça ne tient absolument pas compte des réalités. On risque d’avoir de nombreuses procédures qui s’arrêtent à cause de cela, et cela entraînera une mise en danger des femmes », s’alarme-t-elle. Une inquiétude partagée, au-delà des rangs associatifs, par des acteurs du monde de la justice.
Dans une tribune envoyée à la presse, une trentaine d’avocats s’interrogent : « Les auteurs d’une telle réforme pouvaient-ils ignorer qu’ils porteraient un coup fatal à la protection des femmes victimes de violences conjugales ? » Ils plaident pour la « modification urgente » du décret. Pour Fatiha Belkacem, l’une des signataires, ces dispositions risquent de signer l’abandon des ordonnances de protection, « outils majeurs qui devraient au contraire prendre de l’ampleur ». Selon l’avocate au barreau de Nanterre, qui intervient dans de nombreux dossiers de violences conjugales, « ce délai de vingt-quatre heures est intenable. Le rendre obligatoire en l’assortissant de caducité, c’est mettre à mort l’ensemble de la procédure ». Avec le risque que les femmes concernées, qui se trouvent bien souvent dans des situations de grande fragilité et dont beaucoup relèvent de l’aide juridictionnelle, renoncent à recourir à la justice.
Le gouvernement pourrait-il revenir en arrière ? Plusieurs parlementaires de l’opposition l’espèrent. « On est face à un décret d’application dont l’entrée en vigueur a pour effet d’annuler les avancées de la loi qu’il concerne », s’indigne Aurélien Pradié, qui prévoit d’interpeller mardi la ministre de la justice Nicole Belloubet, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. La question risque fort de s’inviter aussi au Sénat, où les parlementaires examinent le même jour un autre texte visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Pour « aller plus loin » dans la lutte contre les violences conjugales, la garde des sceaux a pourtant annoncé dans un entretien au Journal du dimanche qu’elle lancerait mardi un « comité de pilotage national ». Son objectif ? Développer les ordonnances de protection.
Ce décret c’est juste une injustice venant accabler les femmes qui voyaient une lueur d’espoir. Une saloperie!!!