L’opération israélienne pour exfiltrer ses ressortissants du Maroc

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Plusieurs contacts diplomatiques, un coup de pouce de la France, un avion privé prêté par des milliardaires… Jeudi, 26 Israéliens coincés au Maroc sont rentrés chez eux selon un scénario de rapatriement digne d’une série télé.

Un groupe de 26 Israéliens bloqués au Maroc depuis fin mars ont été exfiltrés du royaume chérifien et sont arrivés en Israël le jeudi 14 mai, a révélé le même jour le quotidien israélien Hamodia.

Chaque année, de nombreux Israéliens se rendent au Maroc pour participer à des fêtes ou à des pèlerinages, certains présentant à l’entrée des passeports français ou autres, ce qui complique la compilation de données précises sur ces voyageurs.

Au mois de mars, 26 d’entre eux sont donc restés coincés après l’annonce par les autorités marocaines de l’état d’urgence sanitaire et du confinement obligatoire face à la pandémie de coronavirus.

« À la fin du mois de mars, lorsque les Israéliens ont commencé à être rapatriés de diverses parties du monde, Israël a adressé une demande au Maroc par le biais du ministère des Affaires étrangères et de plusieurs autres canaux, et a demandé de permettre la récupération des citoyens israéliens qui se trouvent dans le pays », explique le journaliste Barak Ravid de la chaîne israélienne Channel 13, qui reprend les déclarations en off de responsables israéliens.

« Nous n’avons pas de relation diplomatique avec le Maroc donc il fallait faire via des intermédiaires et des contacts », a reconnu vendredi dans une déclaration à l’AFP Shimon Mercer-Wood, porte-parole de l’ambassade israélienne à Paris.

« On a demandé l’aide du Quai d’Orsay [le ministère français des Affaires étrangères] et ils étaient d’accord pour donner des places à des citoyens israéliens sur un vol de rapatriement français. Nous sommes très reconnaissants aux Français pour ça », a-t-il ajouté.

Le groupe a été exfiltré du Maroc grâce à une opération secrète conçue par l’ancien maire de Jérusalem et député du Likoud Nir Barkat, qui a fait appel au couple de milliardaires américano-israélien Miriam et Sheldon Adelson pour l’affrètement d’un avion.

Le groupe était constitué de jeunes touristes israéliens, d’un Arabe bédouin israélien de l’est de Jérusalem, et d’hommes d’affaires israéliens et juifs ayant la double nationalité israélo-marocaine. L’opération a été chapeautée par le Premier ministre Benyamin Netanyahou. Ce dernier a ordonné l’utilisation des voies diplomatiques pour obtenir les autorisations nécessaires pour mener à bien la mission, ce qui a entraîné le retour des Israéliens chez eux après une escale à Paris.

« Depuis trois mois maintenant, je n’ai pas vu ma famille, mes trois enfants », raconte à Hamodia Ilan Hatuel, homme d’affaire israélo-marocain devenu coordinateur du groupe de passagers ramenés sur le vol. « C’est très difficile. Je remercie le Conseil de sécurité nationale et le Premier ministre, le Dr Miriam et Sheldon Adelson, le député Nir Barkat et tout le personnel qui a pris soin de nous ramener à la maison. »

Nir Barkat a dirigé la partie opérationnelle de l’extraction en gardant un contact constant avec le groupe au fur et à mesure des options explorées. Le député du Likoud a contacté les Adelson, qui ont immédiatement accepté d’apporter leur aide, autorisant Nir Barkat à utiliser leur avion privé pour faire rentrer les gens chez eux.

La bévue d’Israel Katz

Le groupe d’Israéliens a quitté le Maroc mercredi pour Paris sur un vol Air France. Une fois dans la capitale française, il est monté à bord de l’avion des Adelson pour rejoindre Tel Aviv. Le député Barkat, qui attendait l’avion à l’aéroport international David Ben Gourion, a déclaré au journal Israel Hayom, propriété des époux Adelson, qu’il était « ravi de voir l’avion atterrir et très heureux d’avoir eu l’occasion de participer à cette opération ».


À propos de l’opération, Nir Barkat a déclaré : « Ce fut un processus très compliqué car le Maroc n’a pas de relations diplomatiques avec nous. Pendant un certain temps, les autorités n’ont pas accordé les permis nécessaires pour quitter le pays et il a fallu des efforts considérables pour les ramener en Israël. »

Le commandant de bord du Boeing 767 appartenant aux Adelson a révélé à Israel Hayom avoir planifié une exfiltration d’abord par Casablanca, ensuite par Rabat, avec comme option de fournir un plan de vol reliant le Maroc à l’île de Rhodes en Grèce. Mais cette option avait été abandonnée faute d’autorisations de la part des Marocains.

Ce que ne dit pas le pilote, c’est que l’atterrissage à Casablanca ou à Rabat était presque acquis, du moment que l’appareil ne portait pas de matricule israélien, rapporte encore le journaliste Barak Ravid. C’est une bévue commise par le ministre Israel Katz qui a mis les autorités marocaines en colère.

Un tweet, aujourd’hui effacé mais dont nous détenons la copie, avait appelé la communauté juive du Maroc à aider au rapatriement de « dizaines de juifs ayant la double nationalité, tout en respectant les règles nécessaires au maintien de la paix publique en Israël ».

Ce tweet aurait été perçu par les officiels marocains comme une accusation implicite formulée par Israel Katz contre les autorités chérifiennes de non-assistance à leurs ressortissants.

Mais avant cela, poursuit Israel Hayom, le groupe de travail israélien avait élaboré un plan qui prévoyait une coopération avec les Émirats arabes unis (EAU), qui comptaient également un groupe de citoyens coincés au Maroc.

Les Émirats arabes unis auraient tenté des mouvements similaires avec plusieurs autres pays, selon la radio de l’armée israélienne. Cette tentative d’alliance avec les Émiratis a provoqué la colère de Rabat qui a refusé qu’Abou Dabi se substitue à Israël pour négocier le sort de ses ressortissants et a annulé les autorisations de vols pour les appareils émiratis.

D’ailleurs, le ministre israélien des Affaires étrangères Israel Katz n’a pas manqué de twitter son désarroi au moment où ses ressortissants ont foulé le tarmac de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, et en révélant le sabordage de l’action émiratie.

Finalement, les autorités iraéliennes et marocaines ont renoué le dialogue début mai grâce à l’insistance de l’homme d’affaires israélo-marocain Ilan Khatuel et d’un mystérieux personnage prénommé « Maoz » par Barak Ravid, qui serait selon lui « le chef des relations avec le monde arabe au sein du bureau du Premier ministre ».

L’accord final était de profiter des vols d’évacuation d’Air France afin de sortir le groupe d’Israéliens vers un territoire allié avant de les rapatrier en Israël.

Source middleeasteye