Le « Saturday Night » seder de Pessah de samedi soir a rassemblé de nombreuses célébrités, a été suivi par 1 million de téléspectateurs, et a rapporté 2,6 millions de dollars pour une œuvre caritative.
Ce Seder qui a été diffusé sur YouTube au cours du week-end a rassemblé des dizaines de célébrités et recueilli 2,6 millions de dollars pour la CDC Foundation, l’aile à but non lucratif des Centers for Disease Control and Prevention, l’agence gouvernementale des USA de lutte contre le coronavirus.
L’émission, qui a attiré plus d’un million de téléspectateurs, avait une perspective juive libérale, et était animée par des personnalités juives du show-biz de tous horizons. Cet événement a offert un aperçu de la place des Juifs américains dans la pensée nationale, ou peut-être plus précisément, celle que pas mal de Juifs américains veulent croire qu’ils occupent. Voici quatre messages véhiculés par le Seder du samedi soir.
Tout le monde peut être juif ou y jouer
Jason Alexander, mieux connu pour son rôle de George Costanza sur «Seinfeld» (je vous parle d’un temps que les moins de 40 ans….), a lancé l’émission avec «Dayenu», accompagné par les choristes Darren Criss, Josh Groban et Rachel Brosnahan.
Après la prestation impressionnante de Groban digne d’un cantor de haut niveau, Alexander le loue comme «la plus grande voix juive depuis Zero Mostel», et Groban doit expliquer que non, il n’est pas juif. Criss ou Brosnahan non plus. Est-ce un problème? demande Brosnahan.
Pas du tout, répond Alexandre. « Ce soir, peu importe si vous êtes ou n’êtes pas juif », dit-il. Bien sûr, le concept d’appropriation culturelle complique les choses. Les personnes « normales » peuvent-elles tenir des rôles de personnes handicapées? Les personnes bien dans leur corps peuvent-elles tenir des rôles transgenres?
Criss est un homme hétéro dont le rôle le plus connu, Blaine Anderson dans «Glee», était gay. Cela a été un problème pour les acteurs non juifs de jouer des rôles de Juifs – comme Brosnahan, une Américain d’origine irlandaise que le rôle vedette dans la série « La merveilleuse Mme Maisel » a révélée.
Les producteurs du Saturday Night Seder semblent conclure que l’appropriation est quelque chose à célébrer, et non pas à condamner. Ce n’est pas exactement un phénomène nouveau: les Juifs des années 1970 ont applaudi le rôle de « Rhoda Morgenstern » joué par Valérie Harper à la télévision, même si Harper n’était pas juive, parce que le rôle était positif. Et si vous avez un certain âge (on dira 60 et plus….), vous vous souviendrez d’albums poussiéreux dans la collection de vos parents de Harry Belafonte et Pete Seeger chantant des chansons juives. Et sinon….
Belafonte et Seeger, notamment, étaient également progressistes, et leur adoption de la culture juive découle d’une période où le fait d’être juif était, du moins dans l’esprit du public, identifié comme étant de gauche. Une grande partie du Seder de la Pâque du samedi soir comprend des clins d’œil à la politique progressiste. Pour les Juifs d’Hollywood qui ont créé ce seder, l’ouverture est le rappel d’une époque, peut-être plus imaginée que réelle, où les Juifs avaient un foyer politique bien déterminé.
Être juif est unique
Donc, n’importe qui peut jouer un rôle juif, mais comprenez bien, l’expérience historique du peuple juif est unique – et a également une signification universelle.
Les acteurs Richard Kind et Debra Messing, en racontant l’histoire de l’Exode, notent l’ancienneté de la haine anti-juive. « Détester les Juifs n’était pas un cliché à l’époque », dit Messing.
L’acteur Judith Light interprète la composition de «Somewhere Over the Rainbow» de Harold Arlen et Yip Harburg comme une répudiation profondément politique du fascisme, une aspiration des Juifs américains à des temps meilleurs alors que le nazisme jette son ombre sur l’Europe. Rejointe au milieu de l’interprétation de la chanson par Ben Platt, Light qualifie les paroles de «quasi prophétiques» et note que le film américain correspondant, «Le Magicien d’Oz», est sorti moins de deux ans seulement après les massacres de la nuit de cristal en Europe.
«Écoutez les paroles dans ce contexte et tout à coup, les mots ne concernent plus les sorciers et Oz, mais la survie des Juifs», dit Light. Elle cite Yip Harburg pour souligner que le particularisme de la souffrance juive a imprégné la sensibilité américaine, du moins telle qu’elle est comprise par les gens qui interprètent ce Seder. « Le Seder de Pessah est entièrement consacrée à la lutte pour la liberté », a déclaré Harburg.
«Sa signification allégorique transcende les croyances abrahamiques», dit Reza Aslan, l’érudit musulman des religions, à propos du Seder. « L’histoire de l’Exode est l’histoire du mouvement de l’oppression à la liberté. »
Être Juif c’est aussi appartenir à une communauté
Avant chaque célébrité, le Seder présente un mini sermon par un rabbin. Et ces mini-sermons sont convaincants et faciles à digérer. Ce que leur présence dans ce Seder révèle, cependant, c’est qu’être juif n’est pas seulement une affaire de culture, c’est avant tout une affaire communautaire. C’est pourquoi avoir à faire un Seder virtuel est si déchirant, même si cela ouvre de nouvelles opportunités.
Le rabbin Sharon Brous de la congrégation IKAR à Los Angeles décrit le commandement de tenir le Seder chaque année comme créant «la mémoire musculaire de l’espoir».
Cela nous est particulièrement rappelé lorsque la rabbine Dana Benson de Temple Beth Am à Seattle chante un mélange de chansons parodiques de la Pâque, notamment «Au revoir, au revoir, Mitzraim», sur l’air de «To Life» et «Everything’s Coming Up Moses».
La bonne humeur est familière à tous ceux qui ont déjà participé à un Seder américain, mais l’est encore plus à Barbara Sarshik, membre du Temple Rodef Shalom à Falls Church, en Virginie, qui a composé les paroles et les a ensuite publiées dans le cadre de son cours Projet de parodie de chanson de Pâque. (Elle a contacté les organisateurs du Saturday Night Seder, qui ont mis à jour leur site Web.)
L’année prochaine, où?
Israël figure tout au long de ce Seder, enfin, en arrière plan. Benson dit que sa chanson préférée est «BaShana Habaa» et elle chante une mesure ou deux, mais ne mentionne pas que cette chanson de la nostalgie de la paix a été écrite par Nurit Hirsh et Ehud Manor après la guerre des Six Jours de 1967, résonnant avec les sentiments des Israéliens qui étaient soulagés de la disparition d’une menace d’extinction et aspiraient à la paix avec leurs voisins. Elle ne mentionne pas du tout que la chanson est israélienne.
Des drapeaux israéliens surgissent de temps en temps derrière quelques-uns des jeunes qui se joignent au chœur de Ma Nishtanah, mais ils ne sont pas mis en valeur. La plus grande apparition d’Israël vient lors d’un monologue de Harvey Fierstein expliquant pourquoi, enfant, il était déconcerté par la conclusion du Seder, «L’année prochaine à Jérusalem», qui équivaut à un kaléidoscope des angoisses et des aspirations juives américaines à propos d’Israël. Dans le récit de Fierstein, Israël est à la fois une nécessité, une source de désir qui peut même être sexuel, et un « badland » aride entaché par son association avec le président Donald Trump et sa famille.
« Il fait chaud, vous êtes entourés d’une grande majorité d’antisémites et tous les adorables soldats en uniforme sont des filles », dit le dramaturge et interprète. «Cela n’avait aucun sens pour moi que les Juifs veuillent aller en Israël.» Mais Fierstein dit qu’il en est venu à comprendre Jérusalem comme une métaphore: « L’année prochaine, nous serons dans un monde qui se soucie de ses habitants et qui les soutient. »
Cela débouche sur une chanson originale, «Next Year», qui conclut cette phrase par un certain nombre de souhaits («Nous allons respirer dans le ciel», «Le monde s’ouvrira») mais avec «Jérusalem» mentionnée une seule fois. De manière émouvante, un certain nombre de professionnels de la santé juifs travaillant en première ligne de la pandémie de coronavirus décrivent leur désir de Seders avec leur famille.
Israël est-il donc oublié?
Le dernier mot est laissé à Alexandre, qui a précédemment exprimé une affection emphatique mais critique pour Israël: «Bonsoir tout le monde, restez en sécurité, restez en bonne santé, restez à l’intérieur, l’année prochaine à Jérusalem.»
Bref un Seder américano-américain qui colle à l’époque……
Line Tubiana avec JTA