C’est l’un des axes du gouvernement pour combattre la pandémie de coronavirus (Covid-19) : développer une application mobile pour retracer d’éventuelles rencontres avec des personnes testées positives. Il n’est pas sûr que la conception de ce programme arrive à son terme. Parce que des obstacles techniques existent. Mais surtout parce qu’elle pourrait être absolument inefficace.
Une application mobile conçue en France, sans aucune géolocalisation, basée sur le principe du volontariat, qui ne serait fonctionnelle que le temps de la crise sanitaire, dont le fonctionnement serait transparent grâce à la possibilité d’en vérifier le contenu, et qui serait par ailleurs pleinement respectueuse du RGPD, le Règlement général sur la protection des données personnelles ?
En présentant début avril l’hypothétique application StopCovid, qui est l’une des pistes du gouvernement pour contenir au maximum e la pandémie de coronavirus (Covid-19) sur le territoire national, le ministre de la Santé Olivier Véran comme le secrétaire d’État en charge du numérique Cédric O ont multiplié les remarques pour bien insister sur le fait qu’il ne s’agissait pas de glisser vers un « Big Brother sanitaire ».
En fait, cette application pourrait tout simplement ne jamais voir le jour : si elle est bien en cours de développement depuis quelques jours, des barrières technologiques pourraient s’avérer infranchissables, alors même que Google et Apple ont lancé un mouvement historique pour créer des interfaces unifiées afin que les smartphones iOS et Android communiquent plus facilement. C’est le cas de la mesure de la distance entre deux smartphones par Bluetooth (et le temps passé à proximité), une technologie de communication sans fil dont la portée usuelle est de cinq à dix mètres.
Mais en marge des obstacles techniques réels et des enjeux légitimes sur la protection des libertés individuelles (il est question de tracer l’historique des relations sociales de chaque individu, via son smartphone, ce qui suppose une collecte, un traitement et un stockage de données), se pose aussi une autre question, plus simple encore : quelle efficacité opérationnelle pour StopCovid ?
En réalité, elle pourrait être nulle ou largement insuffisante. Voici les principales raisons qui laissent à penser que StopCovid est en l’état une perte de temps, d’énergie et d’argent public, du moins si les orientations générales promises par Olivier Véran et Cédric O (comme ne pas imposer l’installation et l’utilisation de l’application) sont conservées jusqu’à sa sortie éventuelle.
L’application est optionnelle
Première limite : StopCovid ne sera pas obligatoire. Son utilisation se ferait sur la base du volontariat, afin de respecter le cadre du RGPD. L’imposer nécessiterait une loi ad hoc, puisqu’il s’agirait en somme de s’asseoir sur le consentement individuel, qui est l’un des piliers de ce règlement. Celui-ci exige de recueillir au préalable, et de façon individuelle, un accord libre, explicite, spécifique et éclairé.
Si le caractère optionnel de StopCovid évite au gouvernement d’avoir à faire voter quoi que ce soit au parlement, en laissant à chacun le soin de rejoindre une telle démarche, il en limite aussi de fait la portée : même à supposer que la moitié de la population s’en serve, ce qui est une proposition extrêmement optimiste, pour ne pas dire fantaisiste, il en resterait toujours 35 millions exclus du radar.
Combien de personnes accepteraient de s’en servir ? Impossible à dire : un sondage daté du 1er avril suggère que 79 % de la population accepterait d’installer « sans aucun doute » (48 %) ou « probablement » (31 %) une application. Mais c’est du déclaratoire. Un gap est à prévoir entre ce qui est affirmé et effectivement fait. Dans tous les cas, l’échantillon de la population serait modeste et donc peu pertinent.