Un survivant de l’Holocauste fête sa bar-mitsvah à Sao Paulo à 91 ans

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À 91 ans, Andor Stern, un survivant de l’Holocauste, ne craint plus les nazis qui l’ont emprisonné à Auschwitz. Vivant dans sa ville natale, Sao Paulo, ce sont les cambrioleurs qui l’effrayent aujourd’hui: sa modeste maison a été cambriolée à deux reprises dans cette ville où il vit depuis la fin de la guerre.

Lundi était un jour très spécial : Stern, reconnu par l’Association brésilienne des survivants de l’Holocauste et par son pays comme le seul survivant de l’Holocauste né au Brésil, a célébré sa bar-mitsva avec un retard de 78 ans seulement.

Remplie de symbolisme, cette cérémonie émouvante a eu lieu dans la plus ancienne synagogue de Sao Paulo, Kehilat Israel, le jour du 81ème anniversaire de la Nuit de Cristal, le pogrom nazi de 1938 en Allemagne et en Autriche, date du début de la Shoah.


«C’est notre réponse à Hitler et au nazisme», a déclaré à l’agence télégraphique juive le rabbin Toive Weitman, responsable du mémorial de l’Holocauste à Sao Paulo. «L’objectif d’Hitler n’était pas seulement le massacre physique du peuple juif, mais également son extermination spirituelle. Il a échoué. M. Stern continue, attaché à son judaïsme, et célébrant la vie avec sa famille. »

Carlos Reiss, directeur du musée de l’Holocauste à Curitiba, a déclaré que le cas de Stern – un survivant de l’Holocauste retrouvant sa religion et célébrant sa bat mitzva – est devenu de plus en plus courant ces dernières années dans le monde. «Cela aide à construire la mémoire de la Shoah en soulignant la résilience et l’importance de l’identité juive», a déclaré Reiss à JTA. « Cependant, il y a des centaines de milliers d’enfants juifs qui n’ont pas eu cette opportunité parce que leur vie a été écourtée. »

Andor Stern, un survivant de la Shoah

Andor Stern, né à Sao Paulo, avait 3 ans lorsque son père a été muté en Inde au début des années 1930 par la multinationale des mines pour laquelle il travaillait. En 1936, la famille s’installe en Hongrie, où habitaient ses grands-parents. Il s’est ensuite caché avec eux lorsque les actes antisémites ont commencé à sévir.

En plus d’être juif, Stern était brésilien : double peine. Lorsque le Brésil fit son entrée dans  la Seconde Guerre mondiale et envoya des troupes se battre avec les Alliés en Italie, le jeune garçon fut considéré comme un ennemi de l’État et interné dans un camp de travail dans la région des Carpates, d’où il réussit à s’enfuir.

Mais sa liberté fut de courte durée. En avril 1944, les Stern furent jetés dans un train en direction d’Auschwitz, où il a passé 13 mois. Sa mère et ses grands-parents ont été tués dans les chambres à gaz de ce camp de la mort.

«J’ai vu ma mère sortir de la cheminée le 6 octobre 1944. C’est dur à évoquer, mais je me souviens de tout», a-t-il déclaré dans une interview récente au journal Folha de S.Paulo. « J’étais hors du monde jusqu’au 1er mai 1945, date à laquelle nous avons été libérés par les soldats américains. J’avais 17 ans et pesais 27 kilos. »

Le retour au Brésil

Freddy Glatt, président de l’Association brésilienne des survivants de l’Holocauste, né en Allemagne, a vécu une situation similaire à celle de Stern après que sa famille a été contrainte de déménager en Belgique. Mais il a lui miraculeusement échappé à la déportation en se réfugiant près de la frontière germano-néerlandaise. «Il n’y avait pas de rabbi, pas de tallit, pas de téfilines ou de Torah. Andor a mon âge aujourd’hui. Je lui souhaite un immense mazel tov », a-t-il déclaré, fier de sa propre bar-mitsva à l’âge de 85 ans à Rio.

Stern est revenu au Brésil en 1948, s’est marié et a eu cinq filles. Il a neuf petits-enfants et ne compte plus ses arrière-petits-enfants. «Un psychiatre m’a dit un jour que tous ceux qui ont vécu les mêmes horreurs que moi pendant la guerre ne seraient plus jamais entiers, ne quitteraient jamais le camp de concentration. Je l’ai laissé derrière moi », a déclaré Stern. « J’ai de la chance. Je ne suis pas un héros. Malgré tout, je suis très reconnaissant envers la vie pour tout.  »

Line Tubiana avec JTA