Henri Dauman, un célèbre photographe américain, caché dans la commune durant la Guerre, rencontre ce mercredi les élèves du lycée Condorcet qui ont travaillé sur son histoire et la Shoah.
Ils ont multiplié les recherches, les conférences, se sont rendus au camp d’extermination d’Auschwitz, en Pologne… Au point de devenir incollables sur la déportation. Depuis plusieurs mois, des élèves du lycée Condorcet de Limay réalisent un travail exceptionnel sur la Shoah. Comme une consécration de ce travail au long cours, ils vont faire la connaissance, ce mercredi, d’Henri Dauman.
Photographe new-yorkais connu dans le monde entier, cet homme de 86 ans a pris spécialement l’avion depuis les Etats-Unis pour les rencontrer, à l’occasion des cérémonies marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il participera également à une conférence sur la déportation, jeudi, au lycée, et en profitera pour présenter, en avant-première, un film consacré à sa carrière.
Il faut dire que Limay tient une place de choix dans sa mémoire. C’est ici que celui qui n’était alors qu’un enfant juif fut caché dans la maison de la famille Morin qui le sauva de la déportation à Auschwitz à laquelle son père et ses deux oncles n’ont pas pu échapper. « J’ai un lien fort avec cette ville, confie Henri Dauman. Ma mère m’y a caché de l’été 1942 à juin 1944 chez un couple qu’elle connaissait afin que je puisse échapper à la politique de répression et de persécution antisémite. »
« Leur investissement est synonyme d’espoir pour le monde à venir »
Cette histoire, ces mots, ont été mis au jour grâce au travail des élèves du lycée Condorcet, encadrés par Vincent Tesson, un prof d’histoire-géo de l’établissement. Dans le cadre de leur parcours scolaire, ils ont intégré une option qui leur permet d’étudier l’histoire de la déportation. En novembre dernier, cette classe a fait le voyage à Auschwitz, comme 500 jeunes franciliens qui ont pu bénéficier de ce programme soutenu par le Mémorial de la Shoah et la région Ile-de-France. Ils y ont retrouvé la trace du père d’Henri Dauman, Charles. « Je suis très sensible à leur investissement citoyen qui est synonyme pour moi d’espoir pour le monde à venir », indique Henri Dauman, parti à New York en 1950.
D’autres élèves de Condorcet ont réussi à retrouver la trace deRywka Tenenbaum, seule déportée de Limay. La ville, grâce au service archives et mémoire, leur a facilité la tâche en fournissant des documents pour leurs recherches. La municipalité leur accordera la médaille de la citoyenneté pour ce travail remarquable.
Pour Vincent Tesson, c’est un moyen de « faire de l’histoire différemment »
C’est l’histoire d’un enseignant passionné, devenant passionnant. L’histoire d’un prof déterminé à mêler la grande histoire et la petite au service de ses élèves. En choisissant de travailler sur la déportation de manière très concrète, Vincent Tesson a motivé 13 lycéens de Condorcet tout au long de l’année.
« Normalement, cette option n’était prévue qu’une heure par semaine mais ils y passaient facilement deux ou trois heures de plus, explique-t-il, épaté par le travail des adolescents. Je les ai vus changer, s’investir. Ils sont venus travailler pendant les vacances, ont participé aux cérémonies commémoratives, ont écrit des discours… Ils se sont pris de passion pour le projet, ont enquêté sur ces personnes déportées ou sauvées de la mort. Evidemment, il y a un aspect ludique dans cette quête. Mais ils ont été très sensibles à la cause. Mon idée c’est de proposer aux élèves de faire de l’histoire différemment. Mais aussi leur montrer que le passé explique le présent, que le racisme n’a pas disparu. Ils l’ont compris, je pense, à travers leur travail. »
Nawal, 17 ans, élève en 1e l : « la visite à Auschwitz a été un choc »
Nawal fait partie des quatre élèves de 1e à avoir travaillé sur la vie d’Henri Dauman. Depuis, elle est devenue incollable sur la Shoah et la Déportation. « Tout a commencé par une conférence d’un enseignant du lycée, Vincent Tesson. Il nous a parlé de cette partie de l’histoire comme jamais j’en avais entendu parler. J’ai voulu en savoir plus. Je me suis rendue à Auschwitz avec lui et d’autres élèves. Cette visite a été un choc. S’intéresser à la Shoah est une chose, mais découvrir les chambres à gaz, les objets des déportés, les photos d’enfants amputés pour les expériences médicales, le froid qui vous transperce, c’est autre chose. Le lendemain, je n’ai même pas pu aller en cours tant j’étais bouleversée. Depuis, j’en ai tiré une leçon de vie : on n’a pas le droit de se plaindre, de se lamenter sur notre sort. Les tracas du quotidien sont tellement insignifiants… »
En plus de ce voyage, Nawal a enquêté avec ses camarades sur Henri Dauman, sur Internet, au service des archives… Au fil des semaines, elles ont tissé la vie de l’enfant orphelin devenu une star de la photographie. Elles présenteront, jeudi, devant lui, la pièce qu’elles ont spécialement créée sur sa vie. Marquée par ce travail, Nawal est devenue passionnée. « Je n’arrête pas de débattre et d’en parler avec mes parents, sourit-elle. Mais ils sont fiers de moi. »