A Clichy, Yvonne et Edmond ont sauvé trois juifs pendant la guerre

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Yvonne et Edmond Fournier, Justes parmi les Nations
Les deux fils de Rachel rendront hommage dimanche à la mémoire de ce couple de Clichy qui a caché leur mère, leur tante et son fils à partir de l’hiver 1942 et jusqu’à la Libération.

Pour les voisins du 77, rue de Paris, à Clichy, Esther était madame Germaine et sa sœur Rachel madame Raymonde. Des noms d’emprunt trouvés par Yvonne, qui dans le chaos de la France occupée, décida de venir en aide aux deux jeunes femmes et à Serge, 10 ans, le fils d’Esther.

Ce dimanche matin à 10h30, une plaque commémorative en mémoire d’Yvonne et de son mari Edmond Fournier a été dévoilée devant le 11, rue Pasteur, immeuble tout proche où les Fournier se sont ensuite établis, laissant l’appartement de la rue de Paris à Rachel et Esther. Une cérémonie qui intervient dix ans après la médaille de Justes parmi les Nations décernée au couple à titre posthume. Cette distinction est décernée par l’Etat hébreu à des personnes non juives qui, au péril de leur vie, ont aidé des Juifs persécutés par l’occupant nazi.

« Yvonne et Edmond, c’est notre famille »

Jean-Pierre et Roland, les fils de Rachel, seront là évidemment. Nés après la guerre, ils ont à cœur de transmettre l’histoire de « leur famille ». « Ce sera pour nous un moment d’une très grande émotion », confient les deux frères, qui ont gardé une profonde affection pour le couple qui sauvé la vie de leur mère, leur tante et leur cousin. « Yvonne et Edmond, c’est notre famille, nous avons grandi avec eux », soulignent-ils.

C’est à compter de l’hiver 1942 qu’Yvonne accueille dans le petit appartement de la rue de Paris les deux sœurs originaires de Pologne. Esther, Rachel et Serge viennent d’échapper à la rafle du Vél d’Hiv, en juillet 1942, au cours de laquelle plus de 13 000 juifs sont arrêtés et déportés. « Deux femmes seules, sans mari, avec un petit garçon et un fort accent slave… Personne dans le quartier ne devait être dupe. Mais personne ne les a dénoncés », souffle Roland, qui tient à rendre hommage à tous les Clichois dans le discours qu’il prononcera ce dimanche matin.

Si les deux sœurs sont seules, c’est parce que le mari d’Esther, Zélik, a été arrêté dès mai 1941. Et déporté à Auschwitz en juin 1942 dans l’un des tout premiers convois. « Nous n’avons jamais connu notre oncle, il a été tué dès son arrivée », racontent Jean-Pierre, né en 1946 et Roland, en 1948.

Leur père, Roger, échappe aux camps de concentration. « Il était soldat français et a été mobilisé une semaine après son mariage. Et capturé en 1940 à Dunkerque. Il a donc passé la guerre comme prisonnier militaire », raconte Roland, qui possède toujours le bracelet de soldat son père. Lequel ne découvrira qu’en mai 1945 l’existence des Fournier.

Lorsque Esther et Rachel rencontrent Yvonne, cette dernière est également seule. Ses deux filles nées d’une première union sont en pension en zone libre, et son compagnon Edmond Fournier a été envoyé en Allemagne pour le service du travail obligatoire (STO). « C’est au cours d’une permission qu’Edmond découvre qu’Yvonne cache des juifs dans leur appartement. Immédiatement il approuve et soutient sa compagne », raconte Roland.

Un portrait photo pour échapper à la Gestapo

Des histoires et des anecdotes racontées par leur mère, disparue en 2016 à l’âge de 102 ans, il en existe de nombreuses. Comme celle liée au portrait de Rachel et Serge.

« Ils étaient boulevard Bonne-Nouvelle à Paris et se sont précipités chez un photographe en voyant des agents de la Gestapo qui arrêtaient des passants. Le photographe a alors conseillé à ma mère d’aller se maquiller tranquillement dans la pièce du fond car il avait encore des choses à faire », raconte Roland, persuadé que le photographe leur a ainsi sauvé la vie.

Dans les albums souvenirs, les photos des deux familles se mélangent et racontent la même histoire. Un devoir de mémoire essentiel pour les deux frères qui redécouvrent un cliché d’eux, enfants, sur les allées Gambetta. « Nous avons passé quelques années dans le minuscule appartement de la rue de Paris, quand notre père avait son atelier de confection un peu plus bas dans la rue », se souviennent-ils.

Ce n’est qu’en 1953 qu’ils quittent Clichy pour s’installer rue des Francs-Bourgeois, à Paris. « Mais on revenait souvent pour voir les Fournier et nous sommes aujourd’hui encore en contact avec les petits-enfants d’Yvonne », insistent-ils. Même s’il ne reste désormais plus qu’eux pour raconter l’histoire d’amitié entre Yvonne, Rachel et Esther dans un Paris occupé. Et le courage exemplaire de cette Clichoise.

Source leparisien