Les propriétaires de Calgon et Bourjois face au passé nazi de leur famille

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Antisémitisme, croix gammée et travail forcé : la richissime famille Reimann, derrière les pastilles Calgon, Maison du café, Rimmel, Bourjois ou la chaîne de restauration Prêt à manger, a reconnu les liens de ses aïeux avec le régime nazi.

Oublié pendant près de 80 ans, le passé nazi de l’une des familles les plus riches d’Allemagne a été mis à jour par « Bild », l’un des journaux les plus lus du pays. En s’appuyant sur des documents d’époque, le tabloïd est revenu en détail dimanche sur les liens entretenus entre les Reimann, entrepreneurs à l’origine d’une dynastie industrielle, et le pouvoir national-socialiste.

Le clan Reimann, dont le véhicule d’investissement, le holding JAB,pèse plus de 15 milliards d’euros, est extrêmement discret. Les nombreuses marques issues de son empire sont à l’inverse très connues, des pastilles pour lave-vaisselle Calgon, au parfum Calvin Klein, en passant par Rimmel, Bourjois, de multiples marques de café comme Jacobs, Senseo ou Maison du café, les chaussures Bally, ou encore  la chaîne de restauration Pret à manger.

Père et fils « coupables »

Albert Reimann senior et son fils Albert junior étaient des nazis convaincus, écrit « Bild », qui raconte, outre leurs dons à la branche armée SS dès 1931, l’entrée des deux hommes au parti nazi un an avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933. Quelques mois plus tard, le père fait installer deux croix gammées près de la porte de son usine de Ludwigshafen, dans l’ouest du pays. En 1937, le fils écrit quant à lui au chef des SS, Heinrich Himmler, pour vanter l’aryanité de sa famille.

Aujourd’hui tous les deux décédés, père et fils étaient « coupables », et « leur place était à vrai dire en prison », a reconnu dans « Bild » le porte-parole de la famille, Peter Harf, qui explique que les Reimann ont fait appel en 2014 à un historien pour fouiller le passé familial. Celui-ci devrait publier ses recherches en 2020. La famille, elle, souhaite faire un don de dix millions d’euros à une organisation.

Travail forcé

Créée au milieu du XIXe siècle par Ludwig Reimann et Johann Adam Benckiser, l’entreprise familiale qui produisait de l’acide citrique et du phosphate a travaillé pendant la guerre pour la Wehrmacht et l’industrie de l’armement et a eu recours au travail forcé. « Bild » cite des rapports du comité d’entreprise faisant état de violences contre la main-d’oeuvre étrangère à l’usine comme dans la villa familiale.

Sa société, qui fournissait la Wehrmacht et l’industrie de l’armement, avait été estampillée « essentielle » pour l’effort de guerre en 1941. En 1943, elle avait recours à 175 travailleurs forcés et employait un contremaître connu pour maltraiter les employés. Il n’y a jamais eu aucune compensation accordée à ces travailleurs forcés, a affirmé Peter Harf, le porte-parole de la famille.

Mais après avoir appris le rôle de certains de ses aïeux dans la montée du régime nazi, la famille Reimann a décidé de faire un don de 10 millions d’euros à une organisation. Selon Peter Harf, la famille cherche une compensation pour les travailleurs forcés auxquels elle a eu recours en 1943. « Nous examinons ce que nous pouvons faire maintenant », « nous voulons faire plus et donner dix millions d’euros à une organisation appropriée », a annoncé le porte-parole de la famille.

Après guerre, si un tribunal a interdit au duo de diriger l’entreprise, père et fils ont échappé à la sanction grâce à une décision de justice dans le Land voisin, raconte « Bild ».

Sources lesechos et rtl