Substances chimiques dangereuses dans les couches jetables pour bébés

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Une expertise inédite de l’Anses conclut à un risque pour la santé des enfants. Le gouvernement demande aux fabricants d’éliminer ces produits. Au total, l’Anses a identifié une soixantaine de substances chimiques.

Voici une étude qui devrait inciter les parents à abandonner définitivement l’usage des couches jetables. Et à les troquer contre des modèles lavables, certes plus contraignants en matière de logistique mais moins à risque pour la santé des bébés. Dans un rapport inédit publié mercredi 23 janvier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alerte sur « la présence de différentes substances chimiques dangereuses dans les couches jetables qui peuvent notamment migrer dans l’urine et entrer en contact prolongé avec la peau des bébés ».

La liste est aussi longue qu’inquiétante. L’Anses a identifié une soixantaine de substances chimiques, dont du glyphosate, le fameux herbicide de Monsanto. Mais aussi des pesticides interdits depuis plus de quinze ans, comme le lindane, le quintozène ou l’hexachlorobenzène. Et de nombreuses substances parfumantes, comme l’alcool benzylique ou le butylphényl. Ou encore des polychlorobiphényles (PCB), des dioxines, des composés organiques volatiles (naphtalène, styrène, toluène, etc.), des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), que l’on retrouve habituellement dans la fumée de cigarette ou des moteurs diesel.

Certains de ces agents ayant des effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques démontrés ou étant considérés comme des perturbateurs endocriniens, les risques liés à leur exposition ne se bornent pas à de simples irritations cutanées.

Des « dépassements des seuils sanitaires » (calculés notamment sur la base des valeurs toxiques de référence) ont été mis en évidence pour plusieurs substances, dans des conditions d’usage dites « réalistes », soit un total d’environ 4 000 couches utilisées en moyenne pour un enfant jusqu’à l’âge de 3 ans. Il s’agit de parfums (butylphényl methylpropional ou Lilial, hydroxyisohexyl 3-cyclohexène carboxaldéhyde ou Lyral), de nombreux HAP, comme le benzopyrène, des dioxines, furanes et PCB-DL.

Les fabricants convoqués par le gouvernement

Des résultats qui font conclure aux experts de l’Anses qu’« il n’est pas possible d’exclure un risque sanitaire lié au port des couches à usage unique », qui concerne 95 % des bébés français. Aussi, l’agence recommande d’éliminer ou de réduire au maximum la présence de ces substances. Elle préconise aussi de renforcer leur contrôle sur le marché et appelle à un cadre réglementaire plus restrictif.

Dans un communiqué commun, le ministre de la transition écologique, François de Rugy, celle de la santé, Agnès Buzyn, et celui de l’économie, Bruno Le Maire, demandent l’application immédiate des recommandations de l’Anses. Le gouvernement a convoqué à la première heure, mercredi, les fabricants et les distributeurs de couches pour qu’ils prennent, dans un délai de quinze jours, des engagements afin d’éliminer les substances incriminées. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) devra renforcer ses contrôles pour s’en assurer. Un premier bilan sera tiré dans six mois.

Comment ces produits chimiques peuvent-ils se retrouver dans des couches pour bébés ? Certains, comme les substances parfumantes, sont ajoutés par les fabricants. D’autres proviendraient de la contamination des matières premières (pesticides dans la cellulose) ou des procédés de fabrication tels que le blanchiment, le collage (PCB-DL, furanes et dioxines) ou l’utilisation d’une forte chaleur (HAP). Des modes de contamination qui avaient été déjà mis en évidence par l’Anses dans un rapport de juillet 2016 consacré aux tampons et serviettes hygiéniques.

Manque de transparence

Les experts regrettent que les auditions des fabricants menées dans le cadre de cette étude n’aient « pas permis de connaître avec précision la nature des matériaux avec lesquels sont fabriquées les couches pour bébé à usage unique ». Malgré ce manque de transparence, ils ont fait une autre découverte surprenante : certaines étapes des procédés de fabrication mettraient en œuvre de la silice, dont une partie sous forme nanoparticulaire. Or, rappelle le rapport, toute substance à l’état de nanoparticule devrait faire l’objet d’une déclaration.

Avant la même la publication de l’avis de l’Anses, le syndicat des fabricants de couches, Group’hygiène, diffusait un communiqué pour « rassurer tous les parents » en rappelant que « plus de trois milliards de couches [sont vendues] par an sans jamais aucune crise sanitaire ».

L’Anses avait été saisie, en janvier 2017, par la direction générale de la santé, la DGCCRF et la direction générale de la prévention des risques après une enquête de l’association 60 millions de consommateurs. Première évaluation de risques menée sur des couches pour bébés par une agence de sécurité sanitaire au niveau international, l’expertise de l’Anses s’est appuyée sur des analyses et des essais menés par les laboratoires de la DGCCRF et l’Institut national de la consommation entre 2016 et 2018.

Vingt-trois références de couches représentatives du marché français ont été testées. Et des substances potentiellement dangereuses ont également été retrouvées dans les couches jetables dites « écologiques ». L’éventuelle toxicité des couches lavables, auxquelles ont recours seulement 5 % des parents, n’a pas encore été éprouvée par l’Anses.

Stéphane Mandard

Source lemonde

Resultats des tests de l’UFC

En juillet 2018, un an et demi après une première étude, « 60 millions de consommateurs » avait à nouveau passé au crible la composition des couches jetables. La première fois, l’étude de la composition des couches avait montré la présence de « substances soupçonnées de toxicité ». Il s’agissait de dioxines et du glyphosate le principe actif de l’herbicide Roundup. Ce dernier a été écarté des substances à risques par l’Anses au vu des résultats des tests réalisés par l’agence.

Le deuxième test a mis en avant la marque Joone. Elle ne commercialise ses couches que sur son site Internet et obtient la meilleure note de l’essai aussi bien en matière de performances que de composition. Ces dernières sont aussi les plus chères de toutes les marques étudiées par 60 millions de consommateurs.

Viennent ensuite les couches Pampers Premium protection et Baby-dry. Sensiblement moins chères que les couches Joone, elles sont un peu moins performantes, notamment en matière d’absorption et de protection contre l’humidité. Mais « aucun résidu à risques n’a été détecté », assure 60 millions de consommateurs qui les plébiscitent. C’est une vraie surprise car lors du premier essai, les couches Pampers avaient été les plus critiquées de l’essai à cause de la présence de pesticides (le quintozène et l’hexachlorobenzène) et des dioxines.

Enfin, les couches Eco by Naty arrivent en quatrième position. Ces dernières obtiennent de bons résultats quant à leur composition mais sont plus à la traîne en matière de performances, notamment de protection contre l’humidité.