Comment le président israélien Reuven Rivlin en appelle aux juifs de la diaspora, par Victor Kuperminc

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Article du « Jewish Forward », par Jane Eisner, traduit et adapté par Victor Kuperminc. Le Président d’Israël, Reuven Rivlin veut vous faire savoir qu’il est profondément concerné par la détérioration des relations entre son pays et les Juifs du monde, et expose son plan pour « faire quelque chose ».

Ce qui, ô surprise, le place à part, des autres hommes politiques israéliens. D’autant plus surprenant que Rivlin semble comprendre les Juifs de la Diaspora – contrairement à tant de ses rivaux – et qu’il n’a jamais vécu hors d’Israël.

Le Premier Ministre, Benjamin Nethanyahu , diplômé d’une grande école des environs de Philadelphie, a fait toutes ses études aux Etats-Unis. Naftali Bennett. Ministre de la Diapsora y a également vécu son enfance et s’enrichit ici, après avoir vendu sa société avant d’entrer en politique.

Tous les deux ont vigoureusement combattu les Juifs Américains en désaccord avec leur approche du traité nucléaire Iranien. Mais, Rivlin, né à Jérusalem, n’a jamais quitté Israël depuis ses 29 ans, m’a-t-il dit au cours  d’une conversation que nous avons eue à la fin du mois dernier à Beit Hanassi, la somptueuse résidence officielle du Président, à Jérusalem. Il se positionne comme un interlocuteur valable entre les deux branches opposées du peuple juif. La moitié vivant en Israël ; et l’autre moitié, majoritairement  aux Etats-Unis. Il affirme : « Je crois vraiment que nous sommes une seule et grande famille ».

A 79 ans, au milieu de son mandat de sept ans, Rivlin semble apparaître comme un grand père bienveillant, toujours prêt à raconter des histoires de son enfance, sur un ton péremptoire et amical. Mais, il n’hésite pas à exprimer ses opinions en opposition avec le gouvernement actuel, bien que lui-même et le Premier Ministre soient membres du même parti, le Likoud.

Nous nous sommes rencontrés dans son bureau, meublé comme une salle de réception, avec nombre de sièges pour les visiteurs, les murs ornés de bibliothèques, d’œuvres d’art, et surtout de drapeaux Israéliens. Ce matin-là, il raconta qu’il avait grandi dans une famille venue en Israël, bien avant la création de l’Etat Juif moderne, presqu’un siècle et demi avant. Ses ancêtres sont venus d’Europe centrale en 1809, guidés par un rabbin qui croyait que le Messie apparaîtrait alors. La prédiction ne s’est pas réalisée, mais la famille s’enracina la première hors des murs de la vieille cité de Jérusalem.

Rivlin était un sioniste du premier âge, parce qu’il ne connaissait rien d’autre. « Ma famille était adepte de Zeev Jabotinsky, le leader qui soutenait l’extrême droite du sionisme, et créateur de l’Irgoun. Le seule moyen d’exprimer son sionisme, c’est de venir en Israël . Ce sionisme peut coexister avec le respect des voisins arabes. ». Rivlin a été fortement influencé par son père, un savant qui avait traduit le Coran en hébreu.

Pour le jeune Rivlin, la Diaspora était un concept abstrait – jusqu’au jour du siège de Jérusalem, durant la guerre de l’indépendance, lorsque les Juifs américains manifestaient leur soutien par l’envoi de chocolat, de bandes dessinées et de chewing gum !

Le gouvernement était également une abstraction, jusqu’à ce que la Knesset s’installe à Jérusalem, après la guerre. David Ben Gourion, le premier Premier Ministre d’Israël et lui, ont vécu dans le même quartier, là où Rivlin et ses camarades jouaient au football, tout près de la demeure du légendaire leader.

Le pluralisme religieux était probablement le concept qui lui paraissait le plus étrange. « Pour moi, il n’y avait pas de « shoul » autre que celle où je priais, dans le rite orthodoxe », se souvint-il. Pas orthodoxe extrême, s’empressa-t-il d’ajouter.

Son expérience religieuse était si traditionaliste que, lorsqu’il visita les Etats-Unis, pour la première fois, en 1988, comme membre de la Knesset, il assista au service d’une synagogue réformée, il se souvient : « je n’étais pas seulement embarrassé, j’étais choqué. Je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse exister une synagogue comme celle-là. Pour moi, ce n’était pas une synagogue. »

Rivlin se décrit comme un « orthodoxe laïque », mais uniquement hors d’Israël. L’orthodoxie étant sa référence, même s’il ne suit pas ses règles ; il critiqua, dans le passé, les courants libéraux du judaïsme.

Mais, peu après son élection à la Présidence , en 2014, il accueillit les dirigeants du judaïsme réformé ; et, en même temps, les leaders religieux. Son directeur de cabinet est une femme ultra orthodoxe. Et il a établi de bonnes relations avec les citoyens arabes d’Israël, qu’ils soient Musulmans ou Chrétiens.

C’est la raison pour laquelle il s’adresse aux Juifs américains. Ses opinions à propos du conflit israélo-palestinien ne s’accordent pas avec l’approche libérale des américains. Mais, il critiqua violemment la loi, adoptée l’année dernière, qui dévalorise la langue arabe. Et il émit un avertissement incisif concernant le déclin de la démocratie en Israël, accusant ceux qui ont le pouvoir d’affaiblir les « gardiens de la démocratie israélienne ».

Il n’a pas hésité à critiquer les dirigeants européens autoritaires, tels que le Président hongrois, Viktor Orban et le chancelier autrichien Sebastian Kurz, accusés de favoriser l’antisémitisme. Bien que Netanyahu les ait félicités pour leur soutien à Israël. « Il n’est pas acceptable que certains aiment Israël, et haïssent les Juifs » m’affirma-t-il.

Rivlin aime qualifier la Diaspora de « cinquième tribu », en addition aux quatre autres tribus – laïque, religieux, ultra orthodoxe et arabe. – les composantes d’Israël d’aujourd’hui.

Rivlin affirma récemment : « Si vous dites à des Juifs : « Vous n’êtes pas juifs », vous les excluez et vous vous retrouvez exclu vous-mêmes. Et s’il vous arrive de dire que les Juifs des Etats-Unis, Dieu me pardonne, ne sont pas parmi nous, ils pourraient, le Ciel me pardonne, vous répondre, « c’est vous qui n’êtes pas parmi nous ! » Il faut tout faire pour ne pas nous trouver dans cette situation. »

De même, il est inflexible, au sujet des relations entre Juifs et Arabes israéliens. Il se réfère à la Déclaration d’indépendance israélienne d’il y a 70 ans, et toujours d’actualité aujourd’hui. « Lorsque nous étions faibles, ceci représentait nos valeurs. Ce n’est pas le moment de changer. Jamais Israël n’a été aussi fort qu’aujourd’hui. Pourquoi faudrait-il changer maintenant ? »

« Nous ne sommes pas condamnés à vivre ensemble. Nous sommes destinés à vivre ensemble. »

Jane EISNER est le rédacteur en chef du JEWISH FORWARD.