C’était il y a quarante ans. L’Allemagne sous le choc découvrait la série américaine « Holocauste » sur l’histoire d’une famille juive persécutée par les nazis.
Dans le travail de mémoire de l’après-guerre sur le Troisième Reich, il y a un avant et après ce film. Quarante ans plus tard, à nouveau, plusieurs chaînes de télévision publique allemandes rediffusent cette semaine « Holocauste ».
Cette série a connu aux Etats-Unis, en Allemagne mais aussi dans de nombreux autres pays un énorme succès. C’était il y a quarante ans. Rappel pour celles et ceux qui ne l’ont pas vu de ce qu’était la série « Holocauste ».
Cette série produite par la chaîne NBC aux États-Unis où elle est diffusée en 1978 raconte l’histoire du Troisième Reich à travers la perspective des victimes. On s’était longtemps concentré sur les criminels nazis et leurs responsabilités. Au cœur de l’intrigue figure la famille Weiss. Le mari est juif, la femme, interprétée par Meryl Streep non. Mariés, ils sont victimes des lois raciales nazies, de l’exclusion des juifs de la vie sociale et plus tard de l’extermination dans les camps de concentration. À travers cette famille moyenne, le public peut s’identifier au destin de ces personnes. La charge émotionnelle est beaucoup plus forte que celle des documentaires ou des livres d’histoires. L’autre protagoniste du film, Erik Dorf, un juriste au chômage au départ apolitique qui devient membre de la SS et un exécutant sadique de la Solution finale doit montrer que Monsieur tout le monde peut devenir un rouage d’un régime criminel.
Grand succès public aux États-Unis mais réserve des chaînes allemandes
La réaction négative du survivant de la Shoah, l’écrivain Elie Wiesel, une autorité morale qui juge la série «kitch» fait s’interroger les responsables de la télévision allemande. Ils se demandent si une telle série est digne d’être diffusée dans le pays qui a décidé de la solution finale. D’autres s’inquiètent des conséquences négatives pour l’image de l’Allemagne. Mais la vente des droits de la série à des dizaines de pays en fait un phénomène planétaire.
Difficile pour l’Allemagne de rester le seul pays d’importance à ne pas la diffuser. A l’arrivée, la première chaîne publique ARD se met d’accord sur un compromis. Holocauste ne sera pas diffusée sur la première chaîne nationale, mais sur ses différents programmes régionaux à la même heure. En amont, des documentaires sont présentés, la presse informe, on débat dans les écoles et les universités. Des lettres de haine hostiles à la diffusion de la série sont envoyées à l’ARD, deux des relais de la chaîne sont victimes d’attentats de l’extrême droite.
Un grand retentissement lors de la diffusion
A une époque où la télé privée n’existe pas, la série réalise des taux d’audience impressionnants : jusqu’à 40 % d’écoute et plus de vingt millions de spectateurs. Elle ouvre les yeux à beaucoup d’Allemands. On avait beaucoup parlé, surtout depuis les années 60 des bourreaux. Cette fois les victimes sont au cœur d’un film qui bouleverse et atteint un grand public contrairement aux livres d’historiens. Plus de 20 000 personnes appellent dans les émissions télé qui suivent la diffusion, l’ARD reçoit des caisses de lettres. Certains sont en pleurs. D’anciens soldats témoignent et parlent enfin des massacres de juifs commis sur le front Est par l’armée allemande. Des plus jeunes se demandent si leur père peut-être était un autre Erik Dorf, le SS de la série où si une autre famille Weiss habitait dans leur immeuble et a subi le même sort que celle au cœur de la série « Holocauste ». Le magazine Der Spiegelparle d’une catharsis comme dans la tragédie grecque lorsque la parole se libère. Une petite minorité dénonce une série qui souille l’Allemagne et nie la responsabilité du pays dans l’holocauste.
Quelle portée peut avoir cette nouvelle diffusion aujourd’hui ?
Pour la rediffusion ces jours-ci, un documentaire a été produit qui raconte tout ce processus. Aujourd’hui, l’impact ne peut pas être le même. Le nombre de programmes télévisés a été démultiplié. La façon dont le film a été tourné il y a quarante ans n’est plus forcément au goût du jour. Pour le contenu, il faudrait sûrement revoir le scénario pour y inclure les nouvelles recherches historiques. Mais un sondage montrant en 2017 que 40 % des jeunes Allemands ne savaient pas ce qu’était Auschwitz prouve qu’un film touchant un grand public peut contribuer à combler certaines lacunes.